Archivage Nice matin du 25 juillet 2009 – source d’origine
Isabelle a 80 ans. Tout rond. Mais ne les fait pas. N’empêche ! Assise à côté de la Chapelle Notre-Dame de la Protection dans le Haut-de-Cagnes, tout près de sa petite maison de la rue Hippolyte-Guis, coquette et agréable, elle est à bout. Isabelle ne dort plus : « Sauf sous Lexomil. C’est intenable, je pense à vendre, c’est dire ! J’habite à Cagnes depuis 1951 ». Se sentant impuissante, elle hausse les épaules : « L’année dernière, à la mairie, on m’a répondu “Vous, les personnes âgées, vous ne supportez rien”. Peut-être, mais qui supporterait ça, vous pouvez me dire ? »
Ça…Ça ? C’est ce que l’on appelle « une bande de jeunes ». Et de moins jeunes. Et de très jeunes aussi.
Des jeunes qui squattent les bancs du début de la rue Hippolyte-Guis et le petit parvis de la chapelle jusqu’à des heures indues. Qui squattent et qui parlent, qui crient et qui écoutent de la musique.
Alain, riverain lui aussi, confirme. « Ville apaisée ? Peut-être Place De-Gaulle et au Cros ! Mais ici certainement pas. C’est un lieu de non-droit. A partir de 21 heures, c’est l’horreur. Et la police municipale ne fait rien ».
Une autre dame ajoute : « On appelle à la municipale et on nous répond “oui, oui, on prend note”. Une fois, ils ont même répondu : ” Prenez les choses en main ” ».
Des hurlements jusque tard dans la nuit. Les murs de la chapelle gravés au couteau. Des petites bagarres entre les derniers irréductibles du pavé, parfois copieusement « imbibés ». Des emballages et des bouteilles vides jetés un peu partout. « Et des mégots, là en bas dans le jardin du monsieur. Il a peur que ça prenne feu un de ces jours », montre du doigt Alain.
De l’incivilité. « Jusqu’à présent ce n’était que ça », ose Alain. « Mais maintenant, pour certains, ils sont violents », s’inquiète un vieux monsieur, tout frêle.
Il y a 10 jours, une dame de 50 ans s’est fait agresser alors qu’elle promenait son chien. Et elle en est encore chancelante aujourd’hui. « Deux individus crachaient par terre, je leur ai fait des remarques, puis je suis allée chercher des bouteilles d’eau pour nettoyer et quand je suis revenue, je me suis fait insulter et menacer. Ils m’ont dit qu’ils allaient me casser la gueule alors je les ai arrosés. Ils m’ont bousculé, puis m’ont frappé avec la bouteille sur le visage. Heureusement un voisin est intervenu ». Et une plainte contre X pour violences volontaires sur personne vulnérable a été déposée au commissariat.
« On s’occupe bien du bord de mer… Pas du reste »
Les riverains s’échauffent autour du petit banc. « Moi je sais ce qu’il faut faire, c’est prendre un fusil. », lance calme et convaincu le vieux monsieur tout frêle.
« Moi, j’ai un revolver… », renchérit une autre habitante.
« Vous voyez où on en est ? Voilà où ils en sont les gens ! Excédés. Il faut faire quelque chose », recadre Alain qui ajoute : « Parfois, ils sont plus d’une vingtaine. Il y a trois soirs, mon épouse a sorti de notre entrée des jeunes qui se battaient. Le gamin avait un mauvais trip et il cognait sa copine ».
« On a le droit de dormir tranquille, nous aussi. Comme les gens du bord de mer », explique Isabelle.
« C’est certain, on s’en occupe bien du bord de mer, mais on ne fait rien pour le Haut-de-Cagnes », confirme Catherine Bouvet, la patronne des Terrasses du Soleil. Un tantinet exaspérée elle aussi. « Regardez le chemin derrière la chapelle, c’est dégoûtant, rempli de crottes de chiens. Et les jardiniers ne passent jamais. Tout est en friche. Si il y a un départ de feu, tout va s’embraser », dit Mathilde Brandt, voisine du restaurant « Josy-Jo ». Aux portes de la chambre d’hôtes de Catherine Bouvet, l’odeur d’excrément en plein soleil, est quasi insoutenable.
« Du temps de Madame Sauvaigo, on s’occupait bien du Haut-de-Cagnes ! », murmure une vielle dame.
Catherine Bouvet renchérit : « Mes touristes sont parfois effarés de ce qu’ils entendent dans la navette, et hier matin une Italienne a croisé la bande du soir, et elle n’était pas tranquille. Je vais redemander aux éducateurs d’ADS de monter (1) ».
« Ça peut partir en vrille à tout moment », met en garde Stéphane, jardinier à la Ville.
« Quand nos terrasses débordent, ou que les clients font un peu trop de bruit, on envoie la police municipale ! Et là, elle vient, sans problème. En revanche, c’est fou le mal qu’on a à les faire venir quand on appelle pour les jeunes », ironise Catherine Bouvet. Elle ajoute : « Ce serait leur rôle pourtant. Parler avec le citoyen, les habitants. Identifier les problèmes. A la mairie on nous répond : “c’est pas leur boulot” ! Moi je dis qu’ils sont là aussi pour s’imprégner des soucis d’un quartier ».
Que fait la police municipale ? « Pas grand-chose »… Jusqu’à ces trois derniers soirs, donc, selon les riverains ! Mais, « c’est étrange, on a prévenu la mairie que vous alliez faire un article… Et mardi soir, vers minuit, quelqu’un a appelé la police municipale et ils sont venus ! Incroyable non ?», tranche Alain. Depuis, selon les riverains, mercredi soir, les polices nationale et municipale sont encore passées. Avant l’intervention des CRS jeudi soir, à la demande du maire, Louis Nègre. Et du coup, le quartier était bien plus calme…