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http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/11/05/le-pelerinage-manque-de-militaires-francais-a-la-mecque_1263166_3224.html#xtor=AL-32280184
LE MONDE | 05.11.09 | 14h09 • Mis à jour le 05.11.09 |
Le 18 novembre, quelque 200 militaires français et des membres de leur famille devaient s’envoler pour l’Arabie saoudite, direction La Mecque et son pèlerinage annuel. La grippe A(H1N1) et des lenteurs de l’administration saoudienne ont eu raison de ce projet, inédit dans le paysage militaire et cultuel français.
“Le pèlerinage aura lieu en 2010”, assure Abdelkader Arbi, aumônier militaire en chef du culte musulman, qui indique avoir pris seul la décision d’annuler l’édition 2009 du hadj face aux risques de pandémie. “Le pèlerinage répond à une forte demande des militaires de confession musulmane et constitue un signe de reconnaissance du fait religieux et de l’islam dans l’armée française”, estime cet ex-employé de l’industrie chimique, nommé à son poste en 2006, date de création de l’aumônerie musulmane. Installé dans le bâtiment “Artois 1914” du fort de Vincennes, l’aumônier reçoit en civil dans son bureau orné de photos de La Mecque ; un tapis de prière est plié sur une chaise. Inquiet des soupçons d’entorse à la laïcité que pourrait nourrir le projet de pèlerinage, il tient à lever toute ambiguïté. “C’est l’Association de soutien de l’aumônerie musulmane, en charge de nos oeuvres sociales, qui gère cette initiative. Les militaires-pèlerins devront prendre une permission pour se rendre à La Mecque et payeront leur voyage. En aucun cas, l’armée ne mettra un avion à leur disposition ; le ministère de la défense ne déboursera rien”, martèle-t-il. Pas question non plus, comme c’est le cas à Lourdes lors du pèlerinage catholique, de s’y rendre en uniforme. “De toute façon, à La Mecque, chacun revêt la tenue du pèlerin(un simple tissu blanc)”, précise M. Arbi. “Visa hadj” Symboliquement, l’organisation du hadj par une structure émanant d’un ministère régalien entend marquer une nouvelle étape dans la normalisation de la présence de l’islam dans les institutions. Mais au-delà, l’aumônerie militaire musulmane souhaite contribuer à un certain assainissement du marché français du pèlerinage en obtenant un agrément auprès des autorités saoudiennes. Cet agrément, attendu pour cette année mais qui n’a finalement pas été délivré, permettra à l’association d’obtenir des “visas hadj”, d’organiser le voyage en évitant les intermédiaires et de réduire les coûts. L’idée étant d’offrir un service “professionnel et transparent “, selon M. Arbi. Jusqu’à présent, l’aumônerie militaire musulmane, fondée peu après la création du Conseil français du culte musulman (CFCM) sur le modèle de ses homologues catholique, protestante et israélite, s’est attachée à assurer la livraison de repas halal et à organiser des lieux de culte pour les militaires musulmans ; elle les accompagne spirituellement et joue un rôle de conseil auprès de la hiérarchie. Elle est intervenue lorsqu’un soldat musulman a invoqué un cas de conscience pour justifier son refus de combattre en Afghanistan. L’aumônerie militaire musulmane, souvent présentée comme l’une des rares réussites du CFCM, compte aujourd’hui 31 aumôniers, contre une cinquantaine de protestants, une trentaine de juifs et quelque 200 catholiques (y compris ceux qui officient à temps partiel). Son installation a été facilitée par la reconnaissance accordée aux aumôniers militaires, qui, contrairement à ceux des prisons ou des hôpitaux, disposent d’un statut clair et d’un salaire attractif. Faute de statistiques sur le nombre de musulmans dans l’armée, leur proportion est, selon M. Arbi, calquée sur celle estimée dans la population globale, “soit entre 7 % et 8 %”. L’islam y est aussi considéré comme la seconde religion.
Stéphanie Le Bars