Linguiste, Pierre Encrevé a été conseiller auprès de Michel Rocard lorsque celui-ci était Premier ministre. Il décrypte les nouveaux mots du pouvoir.
Nicolas Sarkozy est-il en train de changer le niveau de l’expression politique ?
Un peu. Comme les vêtements. Il a jeté le costume gaullo-mitterrandien aux orties, la langue avec. Vous imaginez l’un quelconque de ses prédécesseurs courant dans les rues en culotte courte rehaussée d’un tee-shirt à l’enseigne de la police new-yorkaise ? Son langage public improvisé est à l’avenant : celui de n’importe quel membre de sa classe sociale et de sa génération qui n’est pas passé par les grandes écoles. Il méprise l’usage de la particule négative («C’est pas comme ça que ça marche !»), il ignore le parler énarque, mais emprunte à Coluche le tutoiement collectif («Attends !»), il emploie le vocabulaire quotidien. Bref, il use d’une variété souple et non guindée de la langue française et, négligeant de mettre les formes, il préfère jouer de la spontanéité, du naturel, du relâché, qui caractérisent depuis longtemps le parler public du show-biz, par exemple dans les talk-show. On n’est pas loin du langage de Bush fils, mais on peut aussi le rapprocher, mutatis mutandis, de Georges Marchais, dont le populisme ne lui est pas vraiment étranger.