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En butte à l’hostilité des magistrats et des fonctionnaires des tribunaux, Rachida Dati commence aussi à battre des records d’impopularité au sein des barreaux. Celui de Bordeaux n’a pas encore pris publiquement position sur les réformes menées tambour battant par la Garde des Sceaux. Mais cela n’empêche pas la ministre de tenir bien malgré elle le rôle vedette d’une polémique naissante qui divise les robes noires bordelaises.

À l’origine de la discorde, la prochaine revue du barreau. Lors de ce spectacle humoristique qui se tient à intervalle non régulier, les jeunes avocats montent sur scène pour brocarder et étriller confrères, juges et familiers du monde judiciaire. Pas ce soir, j’ai mes Rachida . C’est la façon de placer cette soirée (1) sous le patronage de la Garde des Sceaux qui a mis le feu aux poudres.

Relents racistes .

Comparer la ministre aux règles féminines a scandalisé les membres de deux cabinets plutôt marqués à gauche. Ceux de Gérard Boulanger et de Pierre Landete. Nous sommes nombreux à désapprouver cette dérégulation généralisée qui passe aussi bien par les tentatives de mise au pas de la magistrature que par la suppression inconsidérée et sans concertation de juridictions de proximité, écrivent-ils dans un texte distribué à leurs confrères. Mais nous ne saurions admettre que les critiques de la Garde des Sceaux se réduisent, à l’occasion d’une manifestation oú la magistrature et les corps constitués sont représentés, à des grasses plaisanteries aux douteux relents sexistes et racistes .

Emmanuelle Gérard-Deprez assure cette année la présidence de la revue. Elle accuse le coup. Provoquer, faire rire, ridiculiser. Cela a toujours été une tradition. Ceux qui nous font un procès d’intention n’ont pas lu les textes des sketches. Ils n’offrent aucune prise au racisme ou au sexisme. On peut ne pas aimer le titre. Mais qui peut s’ériger en juge du bon ou mauvais goût ? Aujourd’hui, si Coluche était toujours en vie, il serait censuré ! La revue bordelaise s’est inspirée d’une revue du barreau de Paris. Il y a quelques années, les avocats de la capitale avaient utilisé le nom du Garde des Sceaux de l’époque et intitulé leur spectacle : Pas ce soir, j’ai Méhaignerie . Cela n’avait pas suscité l’ombre d’une vague.

Ayatollahs .

Originaire de Bretagne, Pierre Méhaignerie est un homme. Rachida Dati est une femme et ses racines sont marocaines. Est-ce une raison pour qu’elle échappe aux piques des humoristes ? Là n’est pas la question, tranche Me Gérard Boulanger. Dans la tradition coranique, les menstrues sont assimilées à un mal. Il faut s’éloigner des femmes qui ont leurs règles. Il suffit de se reporter à la Sourate de la vache, verset 222. J’ai mes Rachida, c’est du niveau de la pulpeuse bouchère kasher de Jean-Marie Le Pen. Cela renvoie à l’image de l’impureté. Inacceptable ! Que certains de mes confrères soient d’une ignorance crasse et qu’ils l’étalent, c’est leur problème. Mais ils n’ont pas le droit de salir de la sorte la robe d’avocat .

Gérard Boulanger est d’autant plus marri que son texte de protestation affiché jeudi dernier à la maison de l’avocat et à la bibliothèque a été prestement arraché. Des deux côtés de la barre, le ton monte. Merde aux procès d’intention, merde à Vauban et puis soyons fous. Merdeà aux cons ! ! ! , s’exclame Me Bruno Violle, l’ancien président de la Revue bordelaise. C’est une kermesse, une fête amicale dont le seul but est d’instaurer un peu de convivialité au sein du barreau. Manifestement, cela déplaît à quelques ayatollahs . À l’évidence, les fusils à tirer dans les coins sont de sortie. Ce qui n’enchante guère le bâtonnier Manuel Ducasse dont la nature est allergique aux éclats de voix.

Embarras.

Je n’irais pas jusqu’à dire que ce titre est du meilleur goût, avoue le président du Conseil de l’ordre. Mais on n’a pas demandé mon avis. Le principe de ce type de manifestation est de forcer le trait. Il est hors de question d’envisager une quelconque censure. Les animateurs de la revue ne nourrissent aucun des préjugés qui leur sont injustement reprochés .

Le bâtonnier reconnaît pourtant que certaines personnes ont pu être choquées. L’épiderme est plus sensible aujourd’hui qu’autrefois . Manuel Ducasse verrait d’un bon il une mise au point avant le lever de rideau. De façon à dissiper tout malentendu . Cela sera-t-il suffisant ? Rien n’est moins sûr. Le proverbe selon lequel les avocats se querellent et vont boire ensemble n’est pas très tendance en ce moment à l’intérieur du barreau de Bordeaux.

source : Sud-Ouest

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