Lettre ouverte de Stéphane RAVIER, conseiller municipal FN de Marseille 7, à Jean-Claude GAUDIN, Sénateur-Maire de Marseille.
Monsieur le Sénateur-Maire,
Depuis quelques jours, de nombreux commerçants de notre centre-ville ont mis en vente un t-shirt représentant la France avec le drapeau algérien, sénégalais ou marocain inscrit dans ses frontières.
Alerté par des amis, je me suis rendu auprès des nombreux points de vente mais je n’ai hélas pu en trouver un que je puisse vous faire parvenir en appui à ma lettre. Manifestement, ce trait de provocation a mis dans le mille et ce morceau de tissus infamant fait un tabac ! Cela ne va pas sans poser une rapide réflexion que peu oseront, et à ce titre, l’élu républicain que je suis se doit de poser.
Concernant les personnes ayant acheté ce t-shirt — et de celles qui, de l’avis des vendeurs, vont l’acheter —, il est permis de s’interroger sur leur loyauté envers nos symboles nationaux. Il n’est que trop évident que leur motivation n’est pas de nature humoristique mais procède d’une volonté délibérée de provoquer et de blesser le sentiment national français.
Je n’ignore pas que votre majorité a porté des coups vigoureux au sentiment national, depuis la formule raffarinienne de République décentralisée jusqu’à la récente sacralisation des langues régionales devenues autant de langues officielles surnuméraires. Le Parlement, dont vous êtes un éminent représentant, a fini de se muer en simple caisse enregistreuse des décisions des eurocrates bruxellois qui n’ont de cesse de dépouiller les nations des attributs de leur souveraineté.
Dans un tel contexte d’encouragement au déni de notre identité (quand ce n’est pas sa criminalisation), et au dépouillement consenti de notre souveraineté par nos représentants légaux, le sentiment national a du mal à maintenir ses droits. Du moins, pouvions-nous espérer une certaine déférence (même les fossoyeurs peuvent avoir du respect pour ceux qu’ils inhument).
Qu’au moins la dérision des symboles de notre Pays et de la République ne devienne pas si ostensible ! Qu’elle ne soit pas infligée à tous ceux qui se sont battus pour ce drapeau, et bien souvent sont morts pour lui en diverses circonstances, pas plus qu’à tous ceux qui n’oseraient pas mettre un drapeau français sur la carte de l’Algérie, du Maroc ou du Sénégal… (voyez comme la vulgate juge sévèrement ceux qui le firent jadis).
Qu’au moins elle ne soit pas émise au moment où vos amis et vous-même affirmez plus que jamais « la nécessaire, la souhaitable, et la possible » intégration des immigrés ! A quoi s’intégrer quand on est un jeune issu de l’immigration algérienne et qu’on porte ce t-shirt : à une France algérienne ? Pensez-vous que cette identification soit celle recherchée par vos pairs ? La cohérence par rapport à vos projets politiques — que je ne partage pas concernant l’utopie de l’intégration — doit normalement vous dicter de ne pas laisser se propager une atteinte malicieuse aux symboles qui peuvent lui donner corps, ou à tout le moins un semblant de consistance.
Ceux qui ont fait de la provocation et du scandale leur unique fonds de commerce ne peuvent ignorer l’existence et les droits de ceux qu’ils moquent, de ceux qu’ils tournent en dérision, de ceux qu’ils insultent, vivants et morts.
Je souhaiterais tant, Monsieur le maire, qu’en pareille circonstance, nous réagissions ensemble. Ce genre d’évènements doit rapprocher ponctuellement tous ceux qui ne peuvent accepter que soient insultés les symboles de notre Patrie et de notre République.
Ce t-shirt comporte une insulte envers la France puisqu’il nomme autrement le pays qui porte ce nom. Il comporte une insulte envers le symbole de notre drapeau puisque le drapeau d’une nation étrangère et parfaitement indépendante de la nôtre s’y substitue.
Je vous laisse imaginer quel effet produirait un t-shirt semblable avec la France ceinte du drapeau allemand, ou celui des USA repeints aux couleurs israéliennes ; ils seraient immédiatement, et à juste titre, retirés de la vente, et leurs promoteurs poursuivis en raison des souvenirs douloureux que l’un évoque, tandis que le second serait dénoncé pour son caractère insidieusement antisémite !
Il est bon — et plus que cela : non fortuit — que les nations du monde aient leur propre drapeau. Bien plus que pour des terres ou des droits, c’est pour ces quelques couleurs jetées sur un carré d’étoffe que sont morts des millions d’hommes de bonne volonté de par le monde. Tous ont droit à un égal respect ; tous exigeraient qu’on respectât ce pour quoi ils ont donné leur vie.
Monsieur le Sénateur-Maire, ne doutant pas de la réalité de votre fibre patriotique, je vous demande de faire le nécessaire pour que ce vêtement soit retiré de la vente, et que les agents de la police municipale dressent le procès-verbal des commerces qui le commercialisent sous le chef de « provocation de nature à troubler l’ordre public ».
Je me verrais dans l’obligation sans joie de prendre les Marseillais à témoin si vous n’avez pas au moins tenté de faire cesser ce trouble caractérisé.
Dans l’attente de votre réponse etc.
(via Boromir)