Extraits d’une chronique de Robert Redeker, Figaro, Aout 2008 :
L’étrange projet de vouloir accorder le droit de vote aux étrangers aux élections locales exige d’être passé au crible de la critique. Rien ne semble plus en accord avec l’air du temps, l’éloge obligatoire du métissage dans tous les domaines. Mais cette inféodation à une idéologie dominante, aussi bariolée qu’euphorisante, qui suppose que la vie politique est une perpétuelle fête de la musique, masque mal la nature véritable de ce projet.
Est-il cohérent d’accorder le droit de vote aux élections locales et de le refuser aux élections nationales ? Une telle mesure introduirait une véritable schizophrénie dans le concept de citoyenneté. Elle couperait la citoyenneté en deux. Certaines personnes seraient citoyennes dans leur commune ou leur canton, mais pas dans la circonscription législative ni dans l’État. Une démagogie parallèle à la démagogie en faveur des sans-papiers, de type compassionnel et «abbépierriste», s’escrimerait à créer de l’agitation à effet médiatique afin d’obtenir l’alignement des deux niveaux de citoyenneté.
en faveur des sans-papiers,
de type compassionnel et abbépierriste
Les supporteurs du droit de vote aux étrangers argumentent ainsi : ces étrangers résident dans une commune, paient des impôts, envoient leurs enfants à l’école, font vivre les commerces, donc ils sont des citoyens dotés du droit de vote.
Il s’agit d’un sophisme définissant la citoyenneté par la matérialité des conditions d’existence. Les seules conditions d’existence ne suffisant pourtant pas pour tracer les limites du corps politique, c’est-à-dire déterminer qui est citoyen et qui ne l’est pas. La différence entre le citoyen, membre du corps politique, et le simple habitant, payant ses impôts, passe par un élément qui n’est pas matériel, qui s’inscrit dans un ordre du symbolique : la nationalité.
En fait, les thuriféraires du droit de vote aux étrangers confondent l’homme avec le citoyen, le corps politique avec la société. Ils raisonnent sous la dictature de l’idée de société, oubliant ce qu’est la politique. Homme et citoyen ne sont pas des concepts synonymes : le fait d’être un homme ne transforme pas pour autant cet être en citoyen de l’État où il réside.
Aucun argument fort ne milite en faveur du droit de vote aux étrangers. Ce projet ne témoigne que des épousailles entre de vieilles haines (de la nation, de la nationalité, des frontières, de soi), de persistantes ignorances (de la citoyenneté, de la nature du corps politique) et de nouvelles idolâtries (fanatisme de l’indifférenciation, culte de la société).
Son adoption briserait l’indivisibilité de la république, effacerait la continuité qui va de la commune au sommet de l’État, rendrait la nationalité inutile, détruirait le lien politique au profit du lien social, menacerait le corps politique en le diluant dans le corps social.
(source) (via Ubu)