Après avoir réduit à une “démarche électoraliste” la décision de Jacques Chirac de mettre en place dans la constitution française un référendum sur l’entrée de nouveaux pays dans l’UE, M. Rocard regrette vivement “l’humiliation inutile que ce référendum ad nominem, ou presque, allait entraîner chez les Turcs” et les “dégâts dans les relations diplomatiques entre la Turquie et la France”. Ce qui est, convenons-en, bien plus important qu’une quelconque souveraineté nationale.
Michel Rocard nous livre le fond de sa pensée er déclare : “Je suis très défavorable à la procédure référendaire : celle-ci, on l’a vu, a l’immense défaut de demander une réponse simple, par oui ou par non, à des questions complexes”.
“Etes-vous pour l’entrée de la Turquie dans l’UE” est donc une question d’une effrayante complexité, à laquelle on ne pourra donner de réponse que sous la forme de rapports ou de livres comme celui de M. Rocard, étayés par une analyse rigoureuse et détaillée, mais dont la conclusion doit invariablement être “oui”.
Plus fondamentalement, selon M. Rocard, le référendum est en fait “faussement démocratique : le peuple est certes consulté, mais il n’est pas associé, et on court-circuite ainsi les voies de la représentation démocratique.”
Moi qui croyais que la consultation directe du peuple était la procédure la plus démocratique qui soit. Que nenni. Pour M. Rocard, même si notre représentation parlementaire est “bien peu représentative et encore moins délibérative” – et on ne saurait le contredire sur ce point -, le concept même de référendum correspond pour lui à “une dérive à la fois plébiscitaire et démagogique”. Populiste aussi, non ?
La solution pour Michel Rocard ? “Si les deux chambres du Parlement décident à la majorité renforcée des 3/5 que c’est au Parlement de se prononcer, et non aux Français par voie référendaire”, toute adhésion d’un nouveau pays peut être acceptée. C’était bien la peine de faire une réforme constitutionnelle.
On s’interdira bien entendu de penser que M. Rocard se livre ici à une diatribe anti-démocratique, élitiste et méprisante envers un peuple constitué de benêts incultes, un peuple incapable de réfléchir à son propre avenir, et qui voterait massivement contre des propositions pourtant frappées au coin du bon sens. Et l’on pourra continuer de se demander naïvement pourquoi il existe un tel décalage et un tel manque de confiance entre les politiques et les citoyens qu’ils sont censés représenter.
A noter enfin que M. Rocard exprime son avis sur la question “à la demande de nombreux d’entre vous dont Three piglets, Caroline, Jérém et Lei”. Bravo à notre 3P national, quelle consécration !