Lu dans le Figaro :
Il y a quelques semaines déjà M., 22 ans, est assis sur un banc, au pied d’une de ces tours qui hérissent la rue Curial, lorsque deux balles lui perforent la cuisse. Encore, on évoque un scénario de règlement de comptes. Il parle d’erreur sur la personne.
Tandis que sa mère pleure un drame «attendu», puisqu’ils vivent à vingt-cinq dans un appartement de quatre pièces. Deux épouses s’y défient : le mari est reparti au Mali, treize enfants d’un côté, dix de l’autre et pas assez de lits pour tous. «Vous croyez qu’on aime vivre comme ça ?», lance le blessé.
Sa mère, toute prête à «décohabiter», comme le prévoit la loi pour les ménages polygames qui ne peuvent normalement conserver leur titre de séjour qu’à cette condition, a demandé un autre logement. Sans succès.
Alors elle attend, les enfants partagent les matelas, se lèvent fatigués, somnolent à l’école, se couchent dès qu’ils rentrent, pour récupérer, et autrement vivent dehors.
«Vous ne verrez que des Noirs et des Arabes en bas», résume son fils. «Les Français et les Juifs ne traînent pas.» Pas d’hostilité entre eux, selon lui. Juste une certaine incompréhension. «Y a que des Africains pour vivre dans ces conditions. On est les rebuts de la société française.»
À les écouter, lui et ses copains, la France ne les aime pas. De l’esclavage à la colonisation, l’émigration ne serait qu’une variation : «Ils ont fait venir nos parents pour ramasser leurs déchets, pour faire les boulots qu’aucun Français n’aurait faits.»
L’aide sociale est à leurs yeux une mince rétribution de ce que «la France leur doit». M. n’a pas étudié, mais refuse de travailler dans ces petits boulots qui ne l’intéressent pas.
(Merci à Robert Marchenoir)