Un seul pays d’Afrique subsaharienne, le Mali, résiste à la forte pression française en matière de politique d’immigration. Fort de ses 100 000 ressortissants installés dans l’Hexagone, Bamako a toujours refusé, contrairement à ses voisins, de signer l’accord sur “l’immigration concertée” que Paris lui propose avec insistance. Ce devrait encore être le cas lors de la Conférence euro-africaine, mardi 25 novembre à Paris.
Pour le gouvernement français, l’enjeu est clair : il s’agit d’obtenir que les Maliens acceptent le rapatriement des personnes reconduites à la frontière. Aujourd’hui, un tiers d’entre elles seulement obtient des consulats du Mali le “laisser-passer” valant feu vert pour le retour. Paris souhaite que cette proportion double pour atteindre 60 %. Et même obliger Bamako à reprendre les autres Africains ayant transité par le Mali. “Les Français veulent nous faire faire la police à leur place”, critique un responsable malien.
Le refus de délivrer les “laisser-passer” consulaires par les pays d’origine constitue l’un des principaux freins à l’exécution des reconduites à la frontière. Il concerne les migrants, nombreux, qui refusent de déclarer leur nationalité ou mentent sur ce point pour éviter le départ.
A Bamako, où les reconduites sont vécues comme des humiliations, la question est explosive. Mis en cause par l’opposition lors de la campagne électorale de 2007, le président Amadou Toumani Touré a laissé dire par ses proches qu’il ne parapherait pas d’accord sur l’immigration avec la France. Aujourd’hui encore, un proche du président évoque le risque d’un “soulèvement” en cas de signature.
En réalité, des négociations ont lieu. Paris fait miroiter un quota de cartes de travail et de régularisations de sans-papiers. Mais Bamako estime insuffisants les engagements français.
Les 4 millions de Maliens (sur 13,7 millions) de la diaspora pèsent électoralement, mais aussi économiquement. Ceux établis en France, régulièrement ou non, rapatrient quelque 120 milliards de francs CFA (183 millions d’euros) par an. “Les émigrés sont des acteurs majeurs de développement, indique un haut responsable malien. Il n’est pas question de se priver de leur contribution.”
En guise de rétorsion, Paris délivre avec parcimonie des visas aux Maliens. Mais la France peut difficilement mettre en cause frontalement un pays, bien rare sur le continent, qu’elle considère comme une “référence de démocratie en Afrique”.