Capture d’écran sur Google News :
L’article rapidement retiré par Agoravox apportait un éclairage scientifique sur la vive polémique suscitée par les propos d’Eric Zemmour sur Arte. L’auteur se bornait pourtant à citer les travaux du grand biologiste Italien Luigi Luca Cavalli-Sforza, membre de l’Académie des Sciences, professeur à l’université de Stanford et père du programme de recherche sur la diversité du génome humain. La conclusion donnait raison à Zemmour.
Voici l’intégralité de cet article : “Au-delà de la couleur de peau”
Éric Zemmour a déclenché un orage en affirmant sur la chaîne Arte que les races existent, qu’elles sont reconnaissables « à la couleur de peau », et en disant à son interlocutrice Rokahya Diallo : « j’appartiens à la race blanche, vous appartenez à la race noire ».
Les réactions ont fusé de tout bord, majoritairement négatives, mais curieusement personne (ou presque) n’a abordé le fond du problème : la question de l’existence des races.
Éric Zemmour lui-même a concédé l’unité de l’espèce humaine. Les races doivent donc, logiquement, être définies comme des sous-groupes de l’espèce humaine. Sur quelle base peut-on délimiter ces sous-groupes ? Sur la base de l’homogénéité génétique. Deux individus seront considérés comme faisant partie de la même race s’ils ont suffisamment de traits héréditaires en commun.
Au XIXème siècle les scientifiques cherchaient ces traits héréditaires principalement parmi les caractéristiques visibles : la couleur de peau, les dimensions de la boîte cranienne, la forme des yeux, l’apparence physique en général. Aujourd’hui encore on parle bien de « minorités visibles », ce qui prouve que cette approche n’est pas morte…
Mais peut-on aller au-delà des apparences ? Les apparences sont parfois trompeuses, et la vérité est souvent cachée.
C’est ici que la biologie moderne vient à notre rescousse. Il est maintenant possible d’identifier précisément certains éléments du patrimoine génétique qui étaient invisibles à l’œil nu. C’est la tâche immense qu’a entreprise le grand biologiste Italien Luigi Luca Cavalli-Sforza, membre de l’Académie des Sciences, professeur à l’université de Stanford et père du programme de recherche sur la diversité du génome humain.
En 1994 il a écrit avec deux de ses collègues un livre-référence sur ce sujet intitulé : « The History and Geography of Human Genes » (L’histoire et la géographie des gènes humains). Dans ce livre, il étudie 120 allèles différents. Un allèle est une variation génétique qui correspond à une caractéristique héréditaire. Cette nouvelle approche nous permet donc de dépasser la couleur de peau pour enfin cartographier la « face cachée » du patrimoine génétique, qui est tellement plus riche.
Cavalli-Sforza se fonde sur la notion de distance génétique . Plus cette distance est grande entre deux individus, plus leurs caractéristiques héréditaires sont différentes. Par exemple, si on ne regardait que la couleur de la peau, on dirait que la distance génétique entre Éric Zemmour et Rokhaya Diallo est très grande. Mais cette distance génétique est bien plus fiable si, au lieu d’une seule caractéristique visible (la couleur de la peau), on la calcule à partir de 120 allèles invisibles à l’œil nu. C’est là la grande contribution de Cavalli-Sforza.
Les prélèvements qu’il a réalisés partout dans le monde l’ont conduit à diviser l’espèce humaine en 9 « sous-groupes ». Deux individus qui sont dans le même « sous-groupe » ont tendance à être génétiquement proches. Ceux qui sont dans des « sous-groupes » différents ont (en moyenne) des patrimoines héréditaires plus éloignés l’un de l’autre.
Est-ce que ces sous-groupes nous réservent des surprises ? Est-ce qu’ils mettent dans le même sac des populations qui au XIXème siècle – sur la base des apparences – auraient été considérées comme de races différentes ? Est-ce que la distance génétique entre Rokahya Diallo et Éric Zemmour est assez faible pour que, sans le savoir, ils appartiennent à la même race ?
Eh bien non. Regardez les 9 « sous-groupes » identifiés par Cavalli-Sforza partir de ses 120 allèles invisibles :
1. Papous de Nouvelle-Guinée et Aborigènes d’Australie
2. Habitants des îles du Pacifique (Polynésiens, Canaques de Nouvelle-Calédonie, etc)
3. Habitants du Sud-Est Asiatique (Khmers, Thailandais, Indonésiens, Malais, Philippins…)
4. Asiatiques du Nord (Mongols, Tibétains, Coréens, Japonais, Chinois du Nord) 5. Peuples de l’Arctique
6. Indiens d’Amérique (du Nord, centrale et du Sud)
7.Européens Blancs
8. Caucasoïdes non-Européens (Nord-Africains, habitants du Proche-Orient, Iraniens, Indiens, Pakistanais, etc)
9. Africains
Voici l’arbre des distances génétiques :
Il est évident du premier coup d’œil que ces « sous-groupes » habitent dans des zones géographiques distinctes. De plus, leurs caractéristiques physiques sont relativement différentes les unes des autres. Ce classement est très similaire au classement en « races » développé – sur la base de traits morphologiques – par les savants du XIXème siècle.
C’est une confirmation indépendante et remarquable. Quand on utilise des outils modernes qui permettent de voir au-delà de l’apparence physique, la notion de race ne s’effrite pas, au contraire elle se précise.
Si le regroupement sur la base des apparences et celui sur la base du génome humain donnent des résultats similaires, c’est parce que les deux types de différences ont la même cause. Cette cause, c’est l’isolement (relatif) dans lequel certains groupes humains ont pu vivre et se reproduire pendant de longues périodes de l’histoire de l’humanité, c’est-à-dire depuis que nous nous sommes différenciés des singes. Cet isolement entre grands groupes humains a été suffisamment long et étanche pour produire des différences héréditaires identifiables à la fois à l’œil nu, et par les techniques scientifiques les plus poussées. La couleur de la peau n’est donc que la partie émergée de l’iceberg des différences génétiques entre les races.
Merci à Olivier Dubois