La SNCF se veut une entreprise citoyenne, « socialement et sociétalement ». Se voulant exemplaire, elle a signé la charte de la diversité. Mais sa politique d’ouverture a quelque peu dérapé. Elle utilise en effet comme vigiles, à son insu, les services de sans-papiers recrutés par un sous-traitant. Ce n’est pas un cas isolé, de nombreuses entreprises (restauration, BTP, nettoyage, sécurité…) faisant appel à des sous-traitants peu scrupuleux sur la légalité du séjour de leurs employés étrangers.
Solo [c’est un surnom] est un grand type en tenue de sécurité, rangers, treillis et veste noire. Autour du cou, il a un badge siglé Vigimark, un groupe spécialisé dans la sécurité qui emploie 1100 personnes. Solo est ivoirien et maître-chien. Le soir, il marche sur les quais des gares de banlieue pour rassurer les usagers pour un salaire d’environ 8 euros de l’heure. Qui se douterait qu’il n’a pas de papiers ?
Dans chaque gare, un poste a été supprimé pour être remplacé par un agent de sécurité. Un travail sous-traité à Vigimark et à d’autres sociétés. En fait, ces vigiles ne travaillent pas pour Vigimark mais pour un autre sous-traitant qui sous-traite. La pratique est courante dans le secteur et la chaîne peut parfois aller jusqu’à trois ou quatre sous-traitants. La société Vigimark dément mais un délégué syndical confie qu’«il y a un paquet de gens qui travaillent en sous-traitance avec des badges Vigimark. Tout le monde est au courant. Personne ne dit rien».
Solo n’a aucun des certificats nécessaires pour pratiquer le métier d’agent cynophile de sécurité. Son malinois, il l’a obtenu très facilement auprès d’un dresseur complaisant. Est-il à l’abri d’un contrôle du chien ? Sur ce point, il n’est pas inquiet : le chien a des papiers. Quant à leurs maîtres, le syndicat Sud-rail envisage une grève afin d’obtenir des promesses d’embauche de Vigimark et présenter ensuite des dossiers de régularisation par le travail.
( Libération)