Tribune libre de Paysan savoyard
Les analyses aujourd’hui dominantes dans les milieux intellectuels et dirigeants, en France et en Europe, sont universalistes et favorables à l’immigration. Il est intéressant de noter que le discours des tenants de ces thèses dominantes est empreint de nombreuses contradictions.
Prenons la première d’entre-elles : les universalistes, on l’a dit, récusent la dimension ethnique de la nation et ne veulent connaître que les « valeurs ». Pourtant ces mêmes universalistes sont souvent de ceux qui défendent les droits des peuples déshérités, opprimés ou menacés dans leur survie : les droits du Tibet, les droits des Tchétchènes, les droits des Indiens d’Amérique du sud ou des aborigènes d’Australie, les droits des musulmans du Kosovo ou des Karens de Birmanie, les droits des Palestiniens et ceux des Israéliens…
Ils défendent également le droit des Kanaks de Nouvelle-Calédonie et soutiennent le gel du corps électoral afin d’empêcher que des métropolitains ne viennent jouer un rôle trop important.
Or de quoi s’agit-il dans tous ces différents cas, sinon de peuples, c’est-à-dire de cultures et de races, qui sont menacés dans leur survie. Dans ces différents cas en effet, ce ne sont pas simplement des individus qui sont attaqués, ce sont les peuples eux-mêmes, leur culture, leur identité, leur race, qui menacent de disparaître.
Pourquoi défendre ces peuples et ces cultures, lorsqu’on est partisan du métissage et qu’on raisonne exclusivement en fonction de valeurs que l’on considère comme universelles, telles que la démocratie, le droit des femmes, les droits de l’homme ?
Si l’on s’en tient à la conception « idéelle » de la nation, pourquoi défendre l’identité du Tibet ? Le fait que la Chine s’efforce (par la colonisation de peuplement et par le métissage) de faire disparaître l’identité du Tibet ne devrait pas avoir en soi d’importance pour un universaliste conséquent : seule devrait compter pour lui la question de savoir si les droits de l’homme et la démocratie sont ou non respectés.
Pourtant, sauf erreur de notre part, ce ne sont pas simplement de droits de l’homme et de démocratie dont parlent les universalistes mais bien des droits des Tibétains, des Tchétchènes ou des Palestiniens à exister en tant que peuple.
Second exemple des louvoiements et des contradictions universalistes. Les théoriciens de l’universalisme expliquent que seules comptent les valeurs et ils proclament leur volonté de promouvoir des valeurs universelles (celles de la Révolution française). Ces mêmes intellectuels affirment pourtant que le terrorisme islamique est pour partie une réaction à la diffusion des modes de vie occidentaux dans le monde arabe et musulman.
Ce sont ces mêmes internationalistes qui expliquent que la mondialisation de « l’American way of life » est ressentie comme un viol culturel et une manifestation de domination occidentale.
Cette analyse nous paraît juste, d’ailleurs, et nous la partageons. Mais comment dans ce cas, si l’on estime légitime la volonté des peuples de ne pas être submergé par les valeurs des autres, peut-on prétendre diffuser soi-même des valeurs que l’on déclare universelles et passer son temps à défiler et pétitionner pour que les Chinois ou les Russes respectent notre conception des droits de l’homme ?
Mentionnons cette autre contradiction, qui n’est pas la moins grossière. Les internationalistes nous expliquent que les races n’existent pas. Dans le même temps ils prônent le métissage. Or de quel métissage peut-il s’agir sinon celui des races ?
Exemple suivant de ce qui nous apparaît comme un manque de rigueur intellectuelle : les universalistes refusent toute distinction entre Français selon leur origine. Il ne peut y avoir pour eux de Français « de souche » et de Français « d’origine immigrée » : ils ne veulent voir que des « Français ».
Ce sont pourtant les mêmes milieux qui passent leur temps à scruter le degré de présence des « minorités visibles » dans les lieux de pouvoir ou dans le monde du travail et qui souhaitent l’instauration de quotas reflétant la diversité ethnique.
Cet exemple encore : les universalistes sont généralement favorables à une société multiculturelle au nom de la diversité et de la richesse qui en résulteraient. Cela ne leur interdit pas de souhaiter également le métissage, qui aboutit pourtant à l’homogénéisation, c’est-à-dire au contraire de la diversité.
Contradiction supplémentaire : les universalistes considèrent que la nation est seulement et pleinement une communauté de valeurs. Dans le même temps ils revendiquent le multiculturalisme, c’est-à-dire non plus la communauté mais son contraire, la pluralité des valeurs.
De fait, dans la conception de la société multiculturelle, la soi-disant communauté de valeurs se réduit à quelques poncifs. Les valeurs communes deviennent un plus petit dénominateur commun, qui ne cesse lui-même de se rétracter : l’égalité est ainsi corrigée par son contraire, la discrimination positive et les quotas ethniques ; la liberté doit s’accommoder du voile islamique ; la liberté d’expression est circonscrite par les lois mémorielles….
C’est ainsi encore, contradiction suivante, que les universalistes sont les premiers à fustiger les fautes des pays colonisateurs. La guerre de libération de l’Algérie est pour eux un moment essentiel. Or si les peuples algériens et africains ont souhaité leur indépendance, c’est bien parce qu’ils estimaient (à juste titre) que leurs tuteurs Européens n’étaient pas chez eux en Afrique.
Dans le même temps pourtant, les universalistes, favorables à l’immigration, rejettent l’idée selon laquelle les Européens seraient bel et bien chez eux en Europe. S’il était légitime que les Algériens souhaitassent le départ des Français, pourquoi les Français n’auraient-ils pas le droit de décider que les étrangers peuvent ou non entrer sur leur territoire ?
De même, les universalistes rejettent l’idée que la population de souche française et européenne puisse se considérer comme propriétaire du sol français et décréter son droit de limiter ou d’interdire l’entrée d’étrangers. Pourtant ces mêmes universalistes sont le plus souvent favorables à ce que les pays du Sud « recouvrent leur souveraineté » sur les richesses de leur sol (pétrole, ressources minières de l’Afrique) et puissent les exporter à leur « juste prix » sans être « spoliés » par les puissantes multinationales occidentales.
Or que signifie le concept de souveraineté de ces pays sur leur sol et leurs richesses sinon qu’il existe bien un droit de propriété du sol que détiennent les populations autochtones ? Contradiction et inconséquence là encore.
Les universalistes considèrent la nation comme une stricte communauté de valeurs. Il est pourtant clair que les motivations des immigrés qu’ils souhaitent accueillir sont économiques et qu’elles ne sont en rien liées à la volonté de venir « partager nos valeurs ». Ces motivations économiques font bien apparaître que la nation n’est pas seulement une idée mais également un territoire, plus ou moins attractif, avec ses ressources, ses richesses.
Achevons sur cet ultime exemple. Les universalistes en tiennent, on l’a dit, pour une conception de la nation non raciale et ouverte : quiconque partage ses valeurs peut venir intégrer la communauté nationale. Certains universalistes se montrent intellectuellement conséquents en réclamant la suppression des frontières (c’est le cas par exemple d’un groupe de gauche dénommé « Fondation Copernic »).
Mais la plupart du temps, les tenants de l’universalisme ne vont pas jusque-là, et considèrent, par réalisme, qu’il est préférable de maintenir des frontières et des contrôles (Rocard : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde » ; Mitterrand : « Il existe un seuil de tolérance »). Ils se mettent dès lors en contradiction avec leurs principes.
Ces partisans du pragmatisme soutiennent qu’ils restent cohérents dans la mesure où la décision de définir un seuil au-delà duquel la France ne pourrait plus accueillir reposerait, si elle était prise, sur la loi de la majorité, élément du contrat social, lequel constitue une pièce maîtresse de la nation idéelle.
Cette argumentation quelque peu controuvée nous parait fallacieuse. En réalité la décision de fixer un seuil d’absorption, même si elle est prise par les représentants de la nation librement élus, signifie tout de même que la population présente sur le territoire se reconnaît le droit d’en interdire l’entrée : cette population se comporte ainsi bel et bien en propriétaire d’un territoire, en contravention avec la conception stricte de la nation idéelle.
En admettant la nécessité de maintenir des frontières, les partisans du pragmatisme confirment, par là-même, que la nation n’est pas une simple communauté abstraite de valeurs.
Ces universalistes pragmatiques sont bien obligés de prendre en compte le fait que la nation n’est pas seulement constituée de valeurs sublimes mais aussi de personnes concrètes et physiques. Ils sont contraints de reconnaître que ces personnes concrètes que sont les autochtones ne peuvent supporter des transferts de populations sans limite, quand bien même les candidats à l’immigration seraient tous extrêmement désireux de venir partager leurs valeurs.
Les différentes contradictions du discours universaliste paraissent donc particulièrement abondantes et grossières. Pour autant elles ne sont pas irrationnelles. Elles ont bel et bien une logique. Cette logique est celle de la détestation de la France.
Dans l’esprit des universalistes, les concepts et les raisonnements sont systématiquement utilisés au détriment de la société française (et européenne) : servant une première fois de projectile, ils sont retournés comme un gant et invoqués à charge derechef.
La logique est bien présente et nous n’avons pas à faire à des fous. Les universalistes ne sont pas fous : ils haïssent la France, la société française et la civilisation européenne.
Paysan Savoyard