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Une tribune libre de Paysan Savoyard
A partir des années 1960, l’Eglise catholique a développé, en France et en Europe, des analyses et des discours qui, sans que cela ait été explicite ni délibéré, ont alimenté une forme de haine de soi. Les raisonnements et les postulats sur lesquels sont fondées ces analyses sont certes présents dans l’Evangile et les autres textes fondateurs de la religion chrétienne : mais l’Eglise les a systématiquement interprétés dans un sens qui conduit à l’auto-flagellation.
La préférence pour les pauvres est le premier de ces postulats. C’est elle qui conduit l’Eglise à accorder une priorité éminente (dans ses discours, dans ses publications, dans ses manifestations…) aux immigrés, aux marginaux, aux délinquants. Dans le même temps, les Français moyens (pourtant rarement riches) sont systématiquement interpellés et mis en garde contre l’égoïsme, le déficit de générosité, le manque de tolérance et d’esprit d’accueil. Ce sont ainsi les marges qui sont mises en avant, tandis que ceux qui constituent l’ossature de la société et de la nation sont constamment mis en cause et culpabilisés. Le même thème de la préférence pour les pauvres conduit l’Eglise à insister sur l’obligation morale qui, selon elle, pèserait sur notre pays d’augmenter son aide au tiers-monde et d’accueillir généreusement des immigrés en grand nombre.

L’importance de la culture du péché dans la religion chrétienne (le péché originel) est le second fondement des positions de l’Eglise dans les matières qui nous occupent. Elle explique sans doute que l’Eglise reprenne fréquemment à son compte les discours qui insistent sur la culpabilité de la France et des Français (la colonisation, la guerre d’Algérie, la Shoah…) et sur la nécessité d’expier ces fautes et de réparer. Les efforts que l’Eglise nous appelle à consentir pour accueillir les étrangers s’inscrivent également dans cette logique de réparation et d’expiation. C’est cette même culture de la culpabilité qui conduit l’Eglise à adopter une attitude de mansuétude vis-à-vis des délinquants : comme les hommes sont « tous pécheurs », les fautes de ceux qui se conduisent mal en sont relativisées.
Combinée à la culture du péché, la foi dans la rédemption constitue un autre aspect important de la pensée chrétienne. Interprétée de façon « moderne », la rédemption incite aujourd’hui l’Eglise et les milieux chrétiens à considérer avec magnanimité les délinquants et les méchants, parce qu’ils sont susceptibles d’amendement et dignes de pardon.
L’universalisme de la religion chrétienne est un des autres fondements des choix effectués par l’Eglise. Il la conduit par exemple à considérer que, parce que les hommes sont tous frères et également dignes devant Dieu, le refoulement des immigrés aux frontières ne peut être légitime. Plus généralement, les notions de nation et de frontières sont en elles-mêmes perçues par la plupart des responsables et des pratiquants chrétiens comme d’emblée contraires au message évangélique.
La non-violence et le martyr occupent également une grande place. Sans que cela soit explicite, le « Tend la joue gauche » et le culte des martyrs contribuent probablement à expliquer les choix effectués par les responsables chrétiens. Ils expliquent par exemple que l’Eglise ne puisse envisager d’adopter une quelconque attitude de légitime défense face aux attaques dont notre civilisation, aux racines pourtant chrétiennes, est l’objet.
Relevons le rôle joué par les protestants, militants particulièrement actifs du soutien à l’immigration et aux « exclus » de divers types. Sans doute marqués par leur histoire propre, les protestants et leurs organisations choisissent spontanément la cause des minorités, en particulier lorsque celles-ci se considèrent comme persécutées.
Il est remarquable également de constater que les athées militants, qui, après avoir été élevés dans la culture chrétienne, rejettent violemment l’Eglise et la religion, ont pourtant conservé certaines de leurs principales traditions et adoptent le plus souvent les mêmes schémas de pensée et les mêmes réflexes : la contrition et l’expiation, la préférence maladive pour les miséreux, la bienveillance envers les voyous, l’universalisme absolu et aveugle.
Précisons qu’il paraît possible, pour ceux qui partagent la foi chrétienne, de contester les analyses actuelles de l’Eglise sur les questions qui tiennent à l’avenir de notre civilisation (immigration, communautarisme, frontières, sécurité…). L’on peut en effet aboutir, en se fondant également sur les textes, à des conclusions toutes différentes. Par exemple, le « Rendons à César » incite à respecter les institutions humaines : on peut donc être chrétien et considérer que la nation constitue un cadre d’organisation méritant d’être conforté et défendu. De même il est possible de juger que l’Eglise a commis une lourde erreur en accordant depuis des siècles une telle importance – mortifère – au péché. D’autres lectures de l’Evangile peuvent paraître plus pertinentes, qui conduisent à mettre plutôt en avant le bonheur et l’amour (le bonheur éternel mais également le bonheur terrestre ; l’amour des autres mais aussi l’amour de soi).
Ajoutons qu’une application stricte des préceptes évangéliques pris au pied de la lettre ne peut constituer le fondement de l’organisation sociale. Chacun est libre de conformer sa vie propre à ces préceptes rigoureusement appliqués. Mais les choix de vie radicaux ne peuvent être considérés comme des exemples qu’il faille collectivement imiter : si, par hypothèse, un grand nombre de gens choisissaient de vivre comme l’Abbé Pierre ou Sœur Emmanuelle (ce qui suppose notamment le célibat), il n’y aurait pas de société organisée possible.
De la même manière, la collectivité nationale ne peut se fixer comme objectif de s’organiser en fonction des principes évangéliques entendus strictement (par exemple, il est vital pour elle qu’elle se défende si elle est attaquée). Les principes évangéliques s’adressent aux individus : ils ne constituent pas un modèle d’organisation politique.
Terminons, en revenant à notre propos : les thèmes mis en avant par l’Eglise ces dernières décennies constituent la première composante – déterminante – de la haine de soi qui s’est emparée d’une partie de la société française.

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