Bernard Reynaud, procureur lyonnais d’habitude si taiseux, a pris la parole pour demander la relaxe de Siné. Demande que le dessinateur, âgé de 80 ans et fatigué, n’aura pu entendre. Après un malaise en début d’audience, il a en effet dû être évacué (…)
« Non, ni Coluche, ni Desproges ne pourraient faire leurs sketches », répondra un peu plus tard, M° Richard Malka, l’avocat de Philippe Val, le directeur de la publication de Charlie Hebdo qui est venu témoigner lourdement contre Siné lors de ce procès. M° Malka a expliqué que « la société a évolué ». « Peut-être ne faut-il pas forcément le regretter », plaide-il, évoquant en conclusion la nécessité absolue de « protéger les communautés ».(…)
Une nécessité déjà évoquée plus tôt dans ses plaidoiries par M° Alain Jakubowicz. L’avocat de la Licra a lui aussi expliqué que « le seuil de tolérance de notre société avait changé ». « Le problème, c’est que Maurice Sinet a arrêté son compteur. Il croit que l’on peut encore faire des blagues sur les bicots, les négros ou les youpins ». Alain Jakubowicz, s’appuyant sur la « démonstration » de l’écrivain Bernard-Henri Levy, venu longuement la veille s’exprimer à la barre, a expliqué pourquoi, selon lui, les propos de Siné étaient antisémites.(…)
Pour Thierry Levy, comme pour Alain Jakubowicz, au-delà de cet omni-présent contexte politique, le procès Siné est d’une importance fondamentale car il va permettre au juge de « fixer les curseurs » de la liberté d’expression. Curseurs qui selon Alain Jakubowicz doivent être aujourd’hui bougés. Curseurs qui, pour Thierry Levy ont été « justement » définis récemment par la 17è chambre correctionnelle de Paris dans l’affaire des caricatures de Mahomet pour laquelle s’était battu… Charlie Hebdo et Philippe Val en tête. Triste “ironie” selon lui. « On a voulu interdire à Siné d’user de la liberté que l’on s’était arrogée et que le droit avait soutenue ».
L’affaire a été mise en délibéré au 24 février.