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Traduction par les lecteurs de Fdesouche.com d’une interview de Dmitry Rogozin , émissaire de la Russie à l’OTAN, datée du 18 novembre 2008.

Pour ce qui est de la piraterie, il y a des pirates dormants en Somalie, et je pense que demain toute la côte africaine va grouiller de pirates, et il n’y aura pas assez de navires de guerre pour les maintenir à quai. Il y a une distance énorme entre l’Europe et le Tiers-Monde. C’est une nouvelle civilisation qui émerge actuellement au Tiers-Monde, qui pense que c’est l’hémisphère Nord, blanc, qui l’a toujours oppressée et qu’il doit donc aujourd’hui courber l’échine devant elle. Ceci est très sérieux.
Si la civilisation du Nord veut se protéger, elle doit s’unir : l’Amérique, l’Europe et la Russie. S’ils ne s’unissent pas, ils seront défaits l’un après l’autre.

Les missiles américains qui doivent être déployés en Pologne sont en mesure de frapper Moscou en seulement 4 minutes, ce qui fait de ces armes une provocation totale, prétend l’émissaire de la Russie au siège de l’OTAN, Dimitri Rogozin.
DR : J’ai été député à la Chambre fédérale pendant 11 ans. Je connais très bien le travail effectué par les parlementaires occidentaux. A l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, j’étais le chef d’un groupe politique. Ce qui se trame à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN est quelque chose d’assez inhabituel et d’étranger aux usages du parlementarisme occidental. Habituellement, on s’efforce de laisser s’exprimer les deux parties en présence même s’il ne s’agit que de sauver les apparences. Ils auraient pu dissimuler certains aspects tout en mettant l’accent sur d’autres, mais refuser purement et simplement la présence d’un officiel russe à une négociation impliquant Saakachvili à propos d’un problème intitulé : “le conflit Russo-géorgien” est tout bonnement une faute.

C’est la raison pour laquelle j’ai estimé inacceptable leur invitation à me rendre à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN de Valence. De mon côté, j’ai lancé des invitations aux dirigeants des délégations nationales à l’Assemblée de notre mission à Bruxelles. Nous nous entretiendrons là-bas.
Parfois j’ai l’impression que nous et eux vivons sur des planètes différentes.
D’abord, même avant que la poussière ne fût retombée suite au bombardement de Tskhinval, nous entendîmes : “cela n’a pas d’importance de savoir qui a attaqué qui”. Je regrette qu’on n’ait pas dit la même chose aux EU après les événements du 11 Septembre.
Plus tard, lorsque les militants des droits de l’homme tels que “Human Rights Watch” commencèrent à révéler des crimes de guerre, nos “partenaires” occidentaux se mirent à changer d’avis mais même ces faits ne sont admis que dans le cadre étanche de leurs conversations à usage interne, alors qu’ils continuent de nous marteler que l’intrusion de la Russie en Géorgie est inacceptable, comme l’est la reconnaissance par la Russie de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.
C’est une situation digne de la Bible : ils s’acharnent à trouver des échardes (épines) dans notre œil, tandis qu’ils refusent de voir la poutre dans le leur.
Franchement, je n’arrive pas à y croire. Nous en avons parlé en long, en large et en travers avec de nombreux hommes politiques européens influents et la situation est la suivante : l’Europe (UE) est voisine de l’Ukraine, de la Russie et de la Géorgie. Supposez que vous viviez dans un appartement situé près d’un appartement ukrainien où une fille nommée Yulia fait les cent pas en gueulant à tue tête entre deux hommes qui s’appellent Victor. C’est digne d’un feuilleton brésilien, le x-centième épisode.
Dans un autre appartement, un malade mental se balade avec un couteau en menaçant de poignarder quiconque croise son chemin. C’est l’apprêtement géorgien. C’est une chose d’entendre tout ce vacarme à travers un mur, c’en est une autre d’abattre les cloisons et d’inviter tout le monde chez vous. Il y a des gens (peuples) différents en Europe mais ils ne sont pas fous, en particulier les hommes politiques. Je ne crois pas qu’ils prendront ce genre de mesure.
Il est clair que ni l’Albanie, ni la Croatie, ni la Macédoine, ni la Bosnie-Herzégovine, ni l’Ukraine, ni la Géorgie ne peuvent être considérées comme des puissances au sens militaire du terme. Leur potentiel militaire est nul, c’est à mon avis encore inférieur à cela. Il ne s’agit donc pas de se doter d’alliés militaires crédibles, c’est une question purement politique. Ainsi que les Occidentaux l’admettent eux-mêmes, il s’agit de conférer une nouvelle identité politique aux pays récemment admis. C’est cela la politique antirusse. C’est pourquoi quand quelqu’un en Ukraine essaie de changer l’identité, le choix historique du pays, ou, pour s’exprimer plus simplement, d’éloigner l’Ukraine de la Russie, cela nous rend anxieux.
Comment pourrions-nous ressentir les choses différemment quand on sait la multiplicité des liens de l’Ukraine avec la Russie ? 40% des familles russes ont des parents en Ukraine et 80% des familles ukrainiennes en ont en Russie. Ce lien ne peut être rompu. C’est la raison pour laquelle une telle politique devrait être considérée comme un démembrement dirigé contre la Russie.
C’est également vrai de la Géorgie. Voyez, des gens comme Saakachvili vont et viennent mais demeurent des relations historiques entre nos deux pays, et elles sont bien plus profondes que ce qui s’est passé au cours des quelques dernières années. Encore une fois, cette séparation d’avec la Russie est une tentative baroque de rendre légaux les gains en territoire que sont l’Abkhazie et l’Ossétie (du Sud) qui n’ont jamais été parties intégrantes de l’état géorgien. Je pense que tout ceci n’est rien d’autre qu’une tentative pour isoler l’ours russe, de le repousser dans sa tanière. Il y a cependant un problème et tous les chasseurs le savent : on peut traquer un ours, on peut le harceler mais c’est dangereux de s’approcher trop près de lui. Par conséquent les menées otaniennes d’endiguement de la Russie sont périlleuses. N’importe quel chasseur vous le confirmerait.
La probabilité que cela se produise est très faible pour le moment. C’est lié à l’inertie de la mentalité de la guerre froide. En règle générale, ce que suggère la Russie est très bon. Nous suggérons des principes auxquels il est vraiment difficile de s’opposer. Qui va nier que la sécurité devrait être également partagée entre tous ? Qui pourrait s’élever contre la démilitarisation de la totalité de la partie centrale du continent européen et l’usage de nos forces pour défendre nos frontières communes dans la zone du Pacifique ? Qui pourrait être opposé à l’exclusion de politiques militaires agressives, en particulier de nature nucléaire strictement internes au continent européen ? Ces choses sont tout à fait raisonnables, c’est une nouvelle conception du monde. C’est une nouvelle vision de la sécurité collective pour chacun. Par conséquent, ce que le président Medvedev propose est difficilement critiquable.
Le problème est complètement différent. Le personnel de toutes les organisations (institutions) internationales se demande : “Qu’est-ce qui va m’arriver personnellement ?” Je fais ici allusion aux employés du secrétariat de l’OTAN, aux employés de la Commission Européenne, aux employés du siège de l’OSCE à Vienne. Ils pensent tous : “Vais-je conserver mon salaire de plusieurs milliers d’euros mensuels si ce Medvedev arrive à ses fins ?” Ils ont tous peur qu’un jour ou l’autre, les gens vireront comme des malpropres tous ces bureaucrates européens trop bien nourris. C’est cet état d’esprit égoïste, à courte vue des technocrates euro-atlantistes qui peut faire capoter une si remarquable initiative. Cela dit, je suis toujours de ceux qui pensent que ce concept finira par l’emporter.
Par exemple, ce qu’ils sont en train de discuter c’est le caractère inacceptable du plan russe de déployer ses systèmes de missiles dans la région de Kaliningrad . Quant au fait que les EU ont déjà commencé de déployer leurs systèmes de lancement en Pologne et sont sur le point de faire pression sur les Tchèques pour qu’ils approuvent l’installation d’une station radar chez eux, personne ne Europe ne semble s’en offusquer.
Chacun préfère croire aux histoires à dormir debout de méchants Iraniens ou d’un Ben Laden qui aurait réussi à chiper un missile quelque part, qui se promènerait avec, et mijoterait son lancement en direction du monde civilisé. Ce sont des conneries. Personne n’est capable de s’emparer d’un missile stratégique. Aucun Ben Laden ne le peut. Mais néanmoins puisque ce mythe est défendu par l’Amérique, l’Europe préfère rester bouche cousue. Cette réaction d’invertébré qu’a l’Europe vis à vis des initiatives de l’Amérique et vis à vis des réponses que la Russie oppose à celles-ci ne prouve qu’une seule
chose : l’Europe n’a toujours pas de personnalité politique. Elle est riche mais politiquement sans colonne vertébrale. Elle ressemble à un grand crayon épais mais très mou.
Espérons que l’installation par la Russie des missiles Iskander à Kaliningrad aura un effet sur l’attitude que l’Europe en ce qui concerne les plans de défense anti-missiles des américains. De notre côté, il est important d’avoir les capacités militaires de contrebalancer ces plans qui à l’évidence menacent notre sécurité.
Vous voyez, le fait est que les missiles américains qui doivent être installés en Pologne peuvent être utilisés de plusieurs manières. Ils peuvent non seulement intercepter des missiles balistiques en phase descendante mais ils peuvent également frapper des cibles de surface. Autrement dit, ils peuvent être tirés sur Moscou à partir de la Pologne et ils sont si rapides et précis qu’un tel missile peut arriver à Moscou en seulement 4 minutes et atteindre le bureau du Premier Ministre après avoir traversé sa fenêtre ! Et ce n’est pas une plaisanterie ! Ce type d’arme est à la fois un facteur de déstabilisation, de déséquilibre et une provocation.
Comment pouvons-nous y réagir ? Bien entendu, nous trouverons une réponse militaire appropriée. Sauf si nous sommes en mesure de trouver d’abord une réponse de nature politique. Pour tout vous dire, nous espérons qu’ils sont suffisamment sensés pour se rendre compte que les temps ont changé. Si l’on nous provoque, nous pouvons répliquer et le faire autant de fois que nous le
jugerons nécessaire.
Jusqu’à ce que la situation soit vraiment envenimée, ils vont continuer de faire semblant que la Russie est leur adversaire. Je considère qu’au XXIe siècle, la véritable menace réside dans un certain groupe de gens qui pensent que vous et moi sommes des personnes de deuxième classe. Ces gens fermés n’admettent simplement pas notre droit à la vie. Peu leur chaud la nationalité des gens avec qui ils ont affaire : Russes, Juifs, Tatars, Français ou Britanniques ou qui que ce soit d’autre, ils sont tous les mêmes à leur yeux.
Espérons que nos partenaires occidentaux se rendent compte que ces gens représentent une égale menace pour nous tous et que cette peste qui se propage sur le continent européen nous submergera tandis que nous en sommes à nous disputer stérilement.
Aujourd’hui nous parlons de menaces telles que le terrorisme, l’extrémisme (politique ou religieux), le trafic de drogue et la piraterie.
Pour ce qui est de la piraterie, il y a des pirates dormants en Somalie, et je pense que demain toute la côte africaine va grouiller de pirates, et il n’y aura pas assez de navires de guerre pour les maintenir à quai. Il y a une distance énorme entre l’Europe et le Tiers-Monde. C’est une nouvelle civilisation qui émerge actuellement au Tiers-Monde, qui pense que c’est l’hémisphère Nord, blanc, qui l’a toujours oppressée et qu’il doit donc aujourd’hui courber l’échine devant elle. Ceci est très sérieux.
Si la civilisation du Nord veut se protéger, elle doit s’unir : l’Amérique, l’Europe et la Russie. S’ils ne s’unissent pas, ils seront défaits l’un après l’autre.
Bien entendu, la reprise du travail du conseil OTAN-Russie est possible. Cela se produira certainement parce qu’il y a trop de bureaucrates à l’OTAN dont les responsabilités professionnelles sont liées au dialogue avec la Russie. Ils craignent de perdre leur emploi après le gel du conseil OTAN-Russie, si bien qu’ils sont parmi les agents d’influence les plus zélés quant à la reprise de notre relation sereine. Blague à part, la portée des questions stratégiques qui nous unissent est telle que nous pouvons jouer à ne pas vouloir nous parler aussi longtemps qu’il nous plaira mais dans les faits nous ne pouvons faire autrement que de nous parler. A Bruxelles, je participe régulièrement à des réunions avec les responsables du secrétariat de l’OTAN, des hommes politiques de premier plan, des ambassadeurs et ainsi de suite (et j’en passe). C’est simplement qu’ils ont peur de me rencontrer dans le cadre de ce qu’on appelle le conseil OTAN-Russie. Cela aura lieu ce mois de décembre-ci ou en mars prochain au plus tard. C’est ma prédiction et vous verrez que j’ai raison.
Source initiale

(Merci à Papy Brossard, SM, Gotfried et sainte Rita pour la traduction)

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