Fdesouche

Tribune de Daniel Garrigue, député de la Dordogne (ex-UMP)
Il y a un certain nombre d’années, dans une réunion de ministres européens, Michel Jobert avait fait sensation en apostrophant ses collègues par ces mots : « Bonjour, messieurs les traîtres ! »
S’il était encore de ce monde (il est mort en 2002), l’ancien ministre des Affaires étrangères de Georges Pompidou pourrait malheureusement reprendre la même apostrophe à l’égard des dirigeants français, à la suite de la tribune commune que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont signée dans « Le Monde » et la « Süddeutsche Zeitung » du 5 février dernier.
Prétendre, comme le fait cette tribune, fonder nos alliances, et donc notre défense, « sur des valeurs communes, comme l’Union européenne et l’Otan » marque un tournant politique d’une portée considérable. Alors que la construction européenne était jusqu’ici l’enjeu prioritaire et le coeur de la relation franco-allemande, l’Europe et l’Otan sont désormais placées sur le même plan et confondues au sein d’une vaste entité euroatlantique ou « occidentale ».
Cela revient à abandonner et à condamner toute perspective de construction d’une Europe libre et responsable d’elle-même.

Or, rien ne justifie le retour de la France dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord et la remise en cause de l’un des rares consensus forts de notre pays – voulu en l’occurrence par le général de Gaulle avec la sortie de l’Otan en 1966 et confirmé par ses successeurs, y compris par le socialiste François Mitterrand.
Nous y perdrons la considération que nous avions sur la scène internationale et particulièrement notre capacité à être entendus dans un certain nombre de conflits, notamment au Proche et au Moyen-Orient.
Contrairement aux arguments avancés, ce retour ne renforcera en rien la défense européenne. C’est nous qui, par notre position indépendante, étions jusqu’ici porteurs de cette ambition, alors que trop de nos partenaires trouvent confortable de s’en remettre à d’autres du soin d’assurer leur défense et de ne pas consentir les efforts budgétaires qui seraient nécessaires. C’est nous qui risquons désormais de nous aligner sur cette démarche de facilité, et non l’inverse.
Nous serons de plus en plus contraints de suivre les États-Unis sur les théâtres d’opérations extérieurs qu’ils choisiront, alors que l’une des raisons du retrait de l’Otan il y a quarante ans était précisément de refuser cet automatisme.
On nous dira que le débat au sein de l’Alliance atlantique est aujourd’hui plus ouvert que par le passé, mais on voit mal comment, après avoir rallié le commandement intégré, on pourra aussi facilement s’en désolidariser.
Le risque est d’autant plus fort que le champ géographique d’intervention de l’Otan s’est fortement étendu vers l’Est, vers le Proche et le Moyen-Orient (Afghanistan), vers l’océan Indien avec l’opération maritime antipiraterie et qu’il est susceptible de s’étendre encore.
Alors que nous disposons aujourd’hui d’une réelle autonomie de décision, grâce à nos systèmes de renseignements, grâce à la force nucléaire stratégique, grâce au porte-avions « Charles de Gaulle » et aux sous-marins nucléaires d’attaque, nous en faisons le deuil pour la simple contrepartie de deux commandements de second rang dans les structures de l’Otan.
Le choix qui se dessine, et qui sera très vraisemblablement consacré lors du sommet anniversaire des 60 ans l’Otan des 3 et 4 avril prochain à Strasbourg et Kehl, résulte de plus en plus clairement d’un positionnement idéologique – alliant, dans le nouveau cadre euroatlantique, la sécurité intérieure et la sécurité extérieure – et nullement d’une analyse stratégique.
Pour tous ceux qui croient en la France et en la construction de l’Europe, cette décision de rejoindre l’Otan qui n’a été ni concertée, ni discutée, ni approuvée par les Français ou par le Parlement, constitue bien une véritable trahison.
Daniel Garrigue – député non inscrit de la Dordogne (ex-ump)

Fdesouche sur les réseaux sociaux