Causeur revient sur les affaires Péan et Zemmour. Ou quand la sémantique devient une génétique du malheur :
(…) Il arrive au fond aujourd’hui à Pierre Péan ce qui est arrivé il y a quelque temps à Eric Zemmour : exécuté pour un mot. Un mot de trop ? Non. Un mot que l’on assigne à résidence dans son sens le plus catastrophique, qu’il l’ait ou pas occupé historiquement. C’est Nietzsche qui avait systématisé, dans sa démarche généalogique, le recours à l’étymologie. Les mots pourtant échappent au déterminisme de leur naissance, comme ils échappent aussi à celui de leur histoire. Nous avons franchi un cap, nous en sommes arrivés à une génétique du malheur.
Il n’est plus un mot que vous puissiez employer qui n’ait révélé un jour ou l’autre sa part maléfique. Aujourd’hui, on vous surdétermine le mot “race” ou le mot “cosmopolite”. Demain, on n’oubliera pas de se souvenir que les nazis appelaient leur mère “maman”. Prononcés dans la bouche de tout petits enfants, ça ne vous rappelle rien ? Moi si. La connotation rend sourd et condamne la langue à ne plus être qu’un catalogue abject de termes effroyables. Hölderlin avait bien raison de nous prévenir : “Le libre usage du propre est la chose la plus difficile.”