Début juillet 2007, la ministre de la Justice se prépare à présenter pour la première fois un texte relatif à la lutte contre la récidive. Rachida Dati est dominée par le stress. Elle demande à Michel Dobkine (NDLR : son directeur de cabinet) de rédiger son discours, lequel invite plusieurs conseillers à participer à son élaboration. La pression sur l’équipe est énorme.
«Ce texte a requis une cinquantaine d’heures de travail», se souvient l’une des plumes (…). Quelques jours avant la séance au palais du Luxembourg, le directeur de cabinet remet la copie à la garde des Sceaux, qui n’en prend pas immédiatement connaissance. La veille au soir, elle appelle Michel Dobkine : «Ce que vous m’avez donné, ce n’est ni fait ni à faire ! Je ne peux pas prononcer ce discours !» . Le magistrat, surpris d’une réaction aussi violente que tardive, propose de se rendre au ministère et de peaufiner le texte. Vers minuit, il soumet la nouvelle mouture à Rachida Dati. «C’est nul», assène la ministre. En panique, elle lui ordonne d’appeler l’un de ses amis lettrés qui habite Versailles. «Dites-lui qu’on a besoin de ses services d’urgence !» «Mais il est minuit», dit Dobkine. «Je m’en fous, appelez-le !» Une heure après, le normalien (…) débarque Place Vendôme. Il remanie légèrement le discours, l’agrémente d’une licence littéraire plus prononcée (…). Le lendemain matin, la ministre engueule une fois de plus son directeur de cabinet. «C’est incroyable, vous n’avez même pas attendu que mon discours soit édité pour rentrer chez vous !
– Madame la ministre, nous avons procédé à une lecture à voix haute. A la suite de laquelle j’ai porté moi-même les dernières corrections. Je suis ensuite rentré dormir un peu pour être en forme aujourd’hui, ce qui m’a paru important. Il y avait des gens au ministère pour imprimer le document et le remettre à votre chauffeur.»
L’après-midi du 5 juillet, face aux sénateurs par l’odeur du sang alléchés, la garde des Sceaux se plante magistralement. Sa voix chevrotante et monocorde masque mal un état d’angoisse avancé. La jeune ministre frise le ridicule lorsqu’elle se met à lire les notes de ses conseillers relatives aux amendements déposés par la gauche. (…). De retour Place Vendôme, Rachida Dati est remontée à bloc contre son équipe, qu’elle réunit immédiatement.
«J’ai été mauvaise, je le sais, mais c’est votre faute», lance-t-elle. «Monsieur Dobkine, vous êtes le premier responsable de cet échec !»
Extraits de “Belle Amie”, de Michaël Darmon et Yves Derai, publié aux Editions du Moment.
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