Inquiet de la dérive des comptes sociaux, le ministère de l’Économie plaide en faveur de nouvelles mesures sur les retraites.
Une grenade dégoupillée. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier l’hypothèse, ressortie des cartons, de repousser l’âge de départ effectif à la retraite.
L’idée a été soulevée la semaine dernière à Matignon lors d’une réunion visant à faire un point sur la situation des finances publiques, qui s’est tenue dans le bureau de François Fillon en présence notamment du ministre du Budget, Éric Woerth.
«La technostructure pousse à ce que le débat sur l’âge de la retraite soit relancé afin d’attirer l’attention sur le fait qu’il y a des économies à faire», confirme-t-on ainsi à Bercy, où l’on est «très inquiet» de la dérive actuelle des comptes sociaux. Le déficit du régime d’assurance vieillesse pourrait ainsi atteindre 9 milliards d’euros en fin année, près du double de celui escompté il y a quelques mois, en raison de la crise. Les recettes ont chuté de 1,7 milliard en six mois et les dépenses ne cessent de progresser en raison des départs massifs liés au papy-boom. Pis, le non transfert – à cause de l’envolée du chômage – d’une partie des cotisations chômage vers l’assurance vieillesse pèse pour 6 milliards dans les comptes du régime général. «Il faudra bien trouver une manière de réduire les dépenses structurelles», résume-t-on à Matignon.
Pour l’heure, aucune décision n’a été prise car le sujet est jugé «politiquement invendable» en ce moment. «Je ne vois pas comment demander aux Français de travailler plus alors qu’ils se battent pour garder leur emploi», avoue une source ministérielle. «On ne s’interdit pas de réfléchir sur la manière de gérer les finances publiques, mais il y a un temps pour combattre la crise et un temps pour en sortir», insiste-t-on à l’Élysée.
Il n’empêche, l’idée fait déjà bondir les syndicats. «Si la situation n’était pas si grave, on pourrait presque en sourire, ironise Jean-Christophe Le Duigou, chargé de l’économie à la CGT. Comment peut-on y réfléchir au moment où les seniors sont mis à la porte des entreprises et où le gouvernement refuse de taxer celles qui ne font pas d’efforts ?»
«Aller au bout du sujet»
Pour une fois, le son de cloche est identique à la CFDT. «Si la solution passe par un recul de l’âge de départ, ce sera sans nous», avertit Jean-Louis Malys, le «M. Retraites» de la CFDT. «Si la réponse du gouvernement est de remettre en cause le modèle social, on ne l’acceptera pas», abonde Jean-Claude Mailly, le patron de FO. Seule Danièle Karniewicz, présidente CFE-CGC du régime général, a une voix légèrement discordante. «Il faudra bien accepter un jour de jouer sur le niveau des cotisations et l’âgede départ», concède-t-elle.
Du côté du patronat, où l’on prône depuis longtemps un recul légal de l’âge de départ à la retraite, seul moyen selon lui de garder les seniors dans les entreprises, l’idée est plutôt bien accueillie. «Il faut aller au bout du sujet, le traiter dans sa globalité – emploi des seniors, pénibilité et retraite – pour trouver des solutions qui n’ont encore jamais été mises sur la table», plaide Laurence Parisot, la présidente du Medef. Pour elle, la question doit être réglée en 2010, une fois pour toutes, de manière à garantir «un système de retraite pour plusieurs générations». Le Medef compte faire des propositions avant cet été.
Mais reculer l’âge de la retraite ne suffira pas à équilibrer les comptes. Le porter à 61 ans ne réduirait, selon le Conseil d’orientation des retraites, que de 2 milliards le déficit du régime général en 2050 (et de 5,7 milliards pour un départ à 62 ans), laissant alors une ardoise de près de 40 milliards.
Si aucun «rendez-vous retraite» n’est légalement prévu pour 2010 – le prochain est programmé en 2012 -, tous les partenaires sociaux l’appellent de leurs vœux. «Je ne vois pas comment on pourra faire l’économie d’une telle réunion en 2010», avoue-t-on à Matignon.
(Source: Le Figaro)