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Ecrit-on “Autant pour moi” ou “au temps pour moi” ? Des pages entières sont consacrées sur internet à ce débat lunaire entre partisans des deux versions. Des linguistes chevronnés ont sué sur l’expression, des chapelles se sont créées et même l’académie Française et le Grévisse y ont perdu leurs latins, donnant une opinion mi-chèvre mi-chou et acceptant finalement les deux.
Pour ses partisans, l’étrange et biscornue graphie “au temps pour moi” trouverait sa source dans le vocabulaire militaire ou celui du chef d’orchestre : se rendant compte d’un écart de temps, le chef demanderait à ses musiciens de reprendre “au temps pour lui”. De même, le chef de troupe demandant à ses soldats marchant au pas de se mettre “à son temps”.
Le fumeux du propos n’a semble t’il sauté aux yeux que de Claude Duneton. A propos de la graphie “au temps pour moi” et de son etymologie supposée, il écrit assez brutalement :

L’ennui c’est qu’il s’agit d’une information complètement fantaisiste, une pure construction de l’esprit. Trente ans passés à décortiquer les expressions françaises m’ont appris à me méfier des « explications » brillantes d’allure, des assauts de logique qui ne sont fondés sur aucun texte, aucune pratique réelle de la langue.
On ne trouve nulle part cette histoire imaginaire de commandement « Au temps ! », ni à l’armée (qui a pourtant donné « En deux temps trois mouvements ») , ni dans les salles de gym. Et surtout pas chez les chefs d’orchestre : des musiciens qui travaillent reprennent à telle mesure, pas au « temps », c’est saugrenu !
[Le linguiste] Colignon a rêvé cela, ou l’a cru avec beaucoup de logique apparente, en effet, donc de vraisemblance. Il ajoute du reste avec cohérence, dans une déduction impeccable : « Au sens figuré, très usuel, on reconnaît par là qu’on a fait un mauvais raisonnement », etc. Belle édification, qui repose sur un mirage.
Autant pour moi est une locution de modestie, avec un brin d’autodérision. Elle est elliptique et signifie : « Je ne suis pas meilleur qu’un autre, j’ai autant d’erreurs que vous à mon service : autant pour moi. » La locution est ancienne.
J’ai gardé pour la fin de quoi clore le bec aux supposés gymnastes et adjudants de fantaisie dont jamais nous n’avons eu nouvelles. Dans les Curiositez françoises d’Antoine Oudin publié en 1640, un dictionnaire de locutions populaires du XVIe — soit bien avant les chorégraphes ou les exercices militaires — on trouve : Autant pour le brodeur, « raillerie pour ne pas approuver ce que l’on dit »

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