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Quel est le nombre des immigrés clandestins issus de pays non européens qui s’installent chaque année en France métropolitaine ? Ce nombre, bien entendu, n’est pas officiellement calculé : il ne peut donc qu’être estimé à partir des éléments disponibles, en examinant les trois méthodes selon lesquelles les immigrés clandestins s’introduisent en France.

  • L’entrée irrégulière

Certains clandestins, utilisant les réseaux de passeurs, franchissent les frontières terrestres cachés dans des camions. D’autres se dissimulent à bord des bateaux de commerce et arrivent dans les ports français. D’autres encore traversent le détroit de Gibraltar en barques à moteur (avec la complicité active des pays de départ) et débarquent en Espagne ou en Italie (67 000 en 2008 selon le HCR-ONU). Ils y sont retenus quelques temps puis relâchés lorsque les centres d’accueil sont pleins et qu’il faut prendre en charge de nouveaux arrivants.
La France constitue souvent la destination finale de ces migrants ressortissants d’anciennes colonies : les observateurs du phénomène considèrent qu’au moins un tiers des migrants débarqués sur les côtes italiennes ou espagnoles arrivent finalement en France (ils y parviennent sans difficulté, les contrôles aux frontières intra européennes ayant été supprimés depuis 1995) : ce type d’immigration clandestine en France représente donc au minimum 20 000 personnes.

  • La clandestinité après un court séjour

Une partie des immigrés clandestins arrivent en France de façon tout à fait légale. L’arrivée en France en situation régulière muni d’un visa de court séjour (c’est à dire inférieur à 3 mois) est en effet un procédé courant d’immigration clandestine : l’intéressé déclare vouloir visiter sa famille, obtient un visa de court séjour … et ne repart pas.
Pour séjourner moins de 3 mois en France, il suffit d’obtenir un visa, délivré par les consulats de France situés dans les pays étrangers (90 % des demandes de visa sont acceptées). La France accorde ainsi environ 2 millions de visas de court séjour par an, 80 % des bénéficiaires étant des ressortissants de pays d’immigration.
Il est impossible de connaître le nombre des personnes entrées en France légalement avec un visa de court séjour et qui s’y sont installées de façon clandestine : en effet les pouvoirs publics n’ont pas mis en place de système de vérification et de comptabilisation des sorties du territoire. Selon une estimation minimale, au moins 1% des 2 millions de titulaires de visas de court séjour ne repartent pas et s’installent de façon clandestine, ce qui représente 20 000 personnes (le pourcentage véritable est probablement nettement plus élevé).

  • Le maintien en France après rejet de la demande d’asile

La troisième forme d’immigration clandestine est la suivante. Un certain nombre d’étrangers se présentent à la frontière (généralement aéroportuaire) sans visa et demandent à entrer en France en bénéficiant de l’asile (la loi française prévoit en effet que les personnes menacées dans leur pays ont droit à l’asile en France si elles le demandent).
La demande est examinée par une commission puis, en cas de refus, par une cour d’appel : le délai moyen d’examen des demandes est de 18 mois. Durant cette période d’attente, les demandeurs d’asile sont hébergés dans des centres d’accueil. Ceux qui ne peuvent être hébergés faute de place reçoivent une allocation de 315 euros par mois. 10 000 demandes d’asile sont accordées chaque année (et 20 000 refusées, le nombre total des demandes étant de 30 000 ; ces chiffres sont à peu près constants depuis plusieurs années).
Les personnes auxquelles l’asile a été refusé sont alors invitées à quitter le territoire. Or le but de la plupart étant d’immigrer en France, la quasi-totalité de ces personnes choisissent en pratique de rester et de s’installer dans la clandestinité. Le nombre des clandestins qui s’installent à la suite d’une demande d’asile refusée peut donc être estimé à 20 000 par an.

  • Les reconduites

Pour évaluer l’augmentation annuelle du nombre des clandestins installés en France, il faut déduire du flux entrant le nombre des étrangers que les autorités reconduisent dans leur pays.
Les clandestins sont appréhendés dans le cadre de contrôles d’identité réalisés sur la voie publique ou chez les employeurs (en pratique, ces contrôles sont peu nombreux, les pouvoirs publics n’ayant aucunement l’intention, en dépit de leurs discours, de mettre fin à l’immigration clandestine, qui pourvoit une grande partie des emplois dans plusieurs secteurs économiques).
Une fois le clandestin appréhendé et placé en centre de rétention, il ne pourra être reconduit que si le pays d’origine accepte de le recevoir. Il se trouve que de nombreux pays sources d’immigration refusent d’accepter l’entrée des personnes reconduites (ils ont en effet intérêt à l’immigration, le transfert des salaires des immigrés représentant pour eux une importante ressource). Or la loi empêche le maintien en centre de rétention au delà d’un délai maximum de 32 jours. Si les pouvoirs publics n’ont pas réussi dans ce délai à obtenir l’accord du pays d’origine et à organiser matériellement la reconduite, ils seront contraints de relâcher le clandestin. En outre les règles de procédure à respecter étant très contraignantes, de nombreuses décisions de reconduites sont jugées irrégulières par les tribunaux et annulées.
Ajoutons qu’à l’initiative de M. Sarkozy, une loi de 2006 interdit désormais la reconduite de différentes catégories de clandestins (les mineurs ; ceux qui sont entrés en France avant d’avoir 13 ans ; ceux qui y résident depuis plus de 10 ans ; ceux dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale) : ces clandestins protégés bénéficient désormais du droit de résider en France.
La mauvaise volonté des pays d’immigration et les dispositions légales favorables aux immigrés (ainsi que l’action des associations de défense, qui fournissent des avocats aux clandestins et les encouragent à introduire des recours juridictionnels) expliquent le fait que le nombre des reconduites reste limité. C’est ainsi que sur les 112 000 décisions de reconduite prises en 2007, seulement 23 000 ont été exécutées (en 2008, le gouvernement a annoncé qu’il avait atteint le nombre de 30 000 reconduites exécutées).
Essayons pour terminer, en reprenant ces chiffres, de répondre à la question posée initialement : quel est le nombre annuel des immigrés non européens qui s’installent en France (métropolitaine) de façon clandestine ?
• Les immigrés entrés de façon irrégulière : au moins 20 000.
• Les personnes qui ne sont pas reparties à l’issue de leur court séjour : au moins 20 000.
• Les personnes dont la demande d’asile a été rejetée et qui restent néanmoins : 20 000.
• De ce nombre il faut retrancher les 30 000 reconduites annoncées par le gouvernement. On parvient donc à un nombre de 30 000 clandestins supplémentaires par an (qui correspond, comme on l’a vu, à une estimation basse : le nombre réel est probablement plus élevé).

Sources : Code de l’entrée et du séjour des étrangers. Rapport de l’assemblée nationale n° 1198. Document de politique transversale annexé au PLF 2009.

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