Notre lecteur Bill propose un nouveau témoignage sur une série d’affaires jugées au Tribunal de Grande Instance de Toulouse. Huit comparutions en tout. Son texte sera publié à raison d’une affaire par jour, à 20h30. Le texte a été très légèrement abrégé.
7e comparution
Farid, 19 ans. Un fort embonpoint et un bras en écharpe. Il comparait pour avoir incendié 3 véhicules garés dans la rue.
En état d’ébriété, il s’est fait maîtriser sur place par plusieurs individus au moment des faits. Il a de plus simulé un malaise quand la police est arrivée sur les lieux. Farid avait un différend avec le propriétaire d’une des voitures incendiées, qu’il connaissait : une histoire de vol de vélo qui remonte à 3 ans. Il avait déjà proféré des menaces à son encontre.
Les faits se sont déroulés en pleine matinée. Ce matin-là, son forfait accompli, ayant réveillé tout le quartier, Farid prend la fuite mais se fait rattraper par le type avec lequel il a un différend. Farid sort alors une matraque. Las, il se fait maitriser.
Au cours de sa garde à vue, Farid a déclaré avoir bu cette nuit-là. Pour autant, il affirme avoir rencontré le type «par hasard» et avoir commencé à se battre. Les voitures incendiées ? Il n’y est pour rien. La matraque ? Elle ne lui appartient pas non plus.
Le juge interrompt soudain l’audience et menace de faire évacuer la salle toute entière. Plusieurs CPF font en effet des aller-retours entre la salle d’audience et la sortie.
Le juge pose ensuite à Farid la question de l’incendie des trois véhicules, lui demandant une fois pour toutes si c’est lui. Farid fait oui de la tête.
« A cause du différend ? ». Nouveau oui de la tête.
« Pour des faits qui remontent à plus de 3 ans ? ». Pas de réponse.
« Avec quoi ? ». Farid murmure « avec un briquet ».
« Pourquoi avoir nié ? » Parce que Farid « ne veut pas aller en prison ».
« Pourquoi avoir attendu 3 ans ? ». Pas de réponse.
Farid n’a aucune condamnation sur son casier. Pour autant il a déjà eu des soucis avec la justice : une affaire de vol en 2005, classée sans suite après réparation. Une autre affaire de vol l’année suivante, de nouveau classée sans suite après un simple rappel à la Loi.
Le juge évoque ensuite la situation de l’accusé, notamment le fait qu’il est en terminale et qu’il a « autre chose à faire ». Farid reste silencieux.
Le procureur commence son réquisitoire en se déclarant heureux qu’il n’y ait pas eu de victimes. Il prévient l’accusé que pour le chef d’accusation de destruction par incendie, ce dernier encourt 10 ans d’emprisonnement.
Le magistrat fait remarquer que les faits ont été commis par quelqu’un qui a la rancune tenace, des faits graves qui peuvent mettre en danger la vie de nos concitoyens, sous le regard haineux de Farid. Il requiert finalement 18 mois d’emprisonnement avec mise en détention
L’avocate de Farid lève les bras au ciel. La peine demandée lui semble injuste. « Il aurait nié les faits, ç’aurait été le même réquisitoire», s’offusque-t-elle. Elle met l’accent sur le fait que son client reconnaît aujourd’hui les faits, et qu’il « a le droit de se taire en garde à vue donc il n’a pas nié ».
Il y a selon elle une « prise de conscience » par Farid. « Il ne visait qu’une voiture », osera-t-elle ajouter. « On ne juge pas quelqu’un sur l’éventualité des conséquences que peut avoir son acte ».
Elle insiste ensuite sur le fait que « l’on n’est pas dans un cas classique des cités où c’est concerté, là c’est un acte isolé ».« Il n’y a rien sur son casier majeur », le prévenu étant en effet mineur au moment de ses précédents méfaits.
Elle déclare que la peine demandée est « démesurée » et que Farid a besoin d’être « prévenu ». Elle dit que son client a honte et que c’est pour ça qu’il a nié.
Elle parle de plus d’un drame familial : le père de Farid a été assassiné en Algérie il y a 15 ans de cela « parce qu’il avait le tort d’avoir la nationalité française ». Farid est ainsi quelqu’un de dépressif.
Farid a de plus passé 48h en garde à vue, il a « déjà été puni ». Il arrive ici « en état d’épuisement », et a de plus subi un déplacement de l’épaule au cours de la bagarre.
Elle demande finalement du sursis et de la mise à l’épreuve, ainsi que l’obligation de « réparer », concluant même en se demandant si cet acte n’est pas un « appel à l’aide ».
Après 20 minutes de délibérés, Farid est condamné à 15 mois de prison dont 9 avec sursis, sans mise en détention. Il est remis en liberté, et devra voir le Juge d’application des peines pour décider quand il tirera ses 6 mois fermes.
En ce qui concerne les dommages aux victimes, le jugement est renvoyé jusqu’en septembre.
Les CPF sortent de la salle en beuglant.