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Bernard Guetta, chroniqueur à France-Inter, estime que l’Europe ne doit pas fixer ses frontières. Les citoyens de l’Union doivent surmonter la frilosité ou la peur qui les empêchent d’envisager l’adhésion de la Turquie ou de pays du Caucase. Il faut dépasser «les fantasmes de minarets sur les villages champenois, toscans ou bavarois». Toutes les options doivent donc être ouvertes.

C’est la dernière idée reçue, dominante à droite, très partagée à gauche. Il faut, entend-on partout, des frontières à l’Union, des limites à son extension, fixées sans plus attendre et connues de tous. C’est une urgence, dit-on, la condition sine qua non d’une affirmation de l’Europe car, si les citoyens de l’Union ne savent pas d’avance où elle s’arrêtera, ils comprendront de moins en moins ses finalités, la rejetteront de plus en plus et ne pourront pas, surtout, en faire un espace démocratique – une scène politique, familière et maîtrisable car balisée. (…)
Aussi loin que remonte la mémoire de l’Histoire, les nations, les empires, les civilisations n’avaient eu que la guerre pour étendre leur influence, élargir leur aire stratégique, économique et culturelle, car ils ne pouvaient le faire que par la soumission des autres. L’Union européenne se trouve, elle, dans une situation exactement inverse. De l’Ukraine à la Turquie, des Balkans à la Géorgie, des peuples entiers veulent la rejoindre, la supplient de leur ouvrir ses rangs, parce qu’ils envient son modèle, aspirent à partager ses valeurs, sa paix, sa prospérité et savent, avant tout, qu’elle les aiderait à se stabiliser parce que ses règles projettent l’Etat de droit, le compromis et la démocratie. (…)
Pour ce qui est de la Turquie, on ne comprend que trop bien. Un pays musulman d’un tel poids démographique éveille des fantasmes de minarets sur les villages champenois, toscans ou bavarois. Aussi laïque qu’elle soit, la Turquie fait peur car l’islam fait peur. Qu’un élu, président de la République ou chancelière fédérale, dise qu’elle n’a pas sa place dans l’Union et il fait autant recette qu’en promettant les pires châtiments aux pédophiles mais comment comprendre que l’Ukraine, si blonde, si chrétienne, au cœur même du continent et pas aux portes de l’Asie, suscite le même rejet ?
Plutôt que de fixer des frontières, laissons les options ouvertes. Plutôt que de dire «jamais», disons «pas tout de suite mais un jour» (…)
(Source)

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