Extrait (abrégé) de Alain Decaux, Histoire des Françaises, Librairie Académique Perrin, Paris, 1972, pp.133-134.
« On affirme qu’en 585, un concile s’est tenu à Mâcon pour trancher d’une épineuse question : la femme a-t-elle une âme ? On écrit là-dessus comme s’il s’agissait d’un fait historique démontré. D’autres interviennent pour s’écrier qu’il s’agit d’une légende.
Il faut dire la vérité. Si l’on consulte la liste des conciles, on s’aperçoit qu’il n’y a jamais eu de concile de Mâcon. On trouve en 586 un synode provincial à Mâcon. Les “Actes” en ont subsisté. Leur consultation attentive démontre qu’à aucun moment, il ne fut débattu de l’insolite problème de l’âme de la femme.
Alors ? D’où vient cette légende si solidement implantée ? Le coupable est Grégoire de Tours. Il rapporte qu’un évêque déclara que la femme ne pouvait continuer à être appelée “homme”.
Il proposa que l’on forgeât un terme qui désignerait la femme, la femme seule. Voilà le problème ramené à son exacte valeur : ce n’était point un problème de théologie, mais une question de grammaire. Cela gênait cet évêque que l’on dît les hommes pour désigner aussi bien les femmes que les hommes.
On lui opposa la Genèse : “Dieu créa l’homme mâle et femelle, appelant du même nom, homo, la femme et l’homme.” On lui rappela qu’en latin, «homo» signifie : créature humaine.
Personne ne parla plus du synode de Mâcon jusqu’à la Révolution française. En pleine Terreur, le conventionnel Charlier demanda si l’on était encore au temps où on décrétait, “comme dans un ancien concile, que les femmes ne faisaient pas partie du genre humain”.
En 1848, une citoyenne devait franchir une nouvelle étape dans l’altération des textes. A la tête d’une délégation du Comité des “Droits de la femme”, elle remettait une pétition tendant à obtenir le droit de vote pour les femmes et commençant par ces mots : “Messieurs, autrefois, un concile s’assembla pour décider cette grande question : savoir si la femme a une âme…”
Les quelques lignes de Grégoire de Tours, définitivement déformées, étaient entrées dans le patrimoine définitif de la crédulité publique.” (via Dia)
L’extrait non abrégé a été archivé ici .