Tribune libre de Paysan Savoyard
Quel est le nombre annuel des enfants nés en France métropolitaine dont les parents (ou au moins l’un des deux parents) sont immigrés ou originaires de l’immigration ? Ce nombre n’étant pas calculé par les organismes officiels, il ne peut qu’être évalué à partir des données disponibles.
Selon l’institut national d’études démographiques (INED), la proportion des enfants nés en France métropolitaine dont au moins l’un des deux parents est immigré est de 17,1 % (précisons que l’étude de l’INED porte sur la période 1991-1998 ; qu’elle comprend les naissances dans les couples « mixtes » ; et qu’elle concerne tous les immigrés y compris lorsqu’ils sont originaires d’un pays européen).
En appliquant ce pourcentage (qui n’a probablement pas diminué depuis les années 90) au nombre annuel des naissances enregistrés ces dernières années (800 000 environ), on déduit que, selon l’INED, le nombre annuel des naissances dont au moins l’un des deux parents est immigré s’élève actuellement à environ 136 000.
Le chiffre donné par l’INED ne correspond toutefois qu’à une partie de la réalité : le nombre réel des naissances issues de l’immigration est en réalité très supérieur.
En effet les données de l’INED reposent sur une définition restrictive de l’immigration. L’INED (et l’INSEE) considèrent qu’est immigrée la personne qui est née hors de France et sans avoir la nationalité française à la naissance. Autrement dit les personnes nées sur le territoire français ou qui avaient la nationalité française à la naissance ne sont pas considérées comme immigrées, et ce même lorsqu’elles sont originaires de l’immigration (c’est-à-dire issues de parents étrangers ou immigrés) : leurs enfants ne sont dès lors pas pris en compte dans le chiffre ci-dessus.
Pour connaître le nombre réel des naissances issues de l’immigration, il faut donc ajouter au nombre de 136 000 évoqué plus haut le nombre des enfants dont l’un des deux parents au moins est « originaire » de l’immigration : ce nombre n’est pas calculé, les statistiques portant sur l’origine n’étant pas pratiquées en France.
Il est néanmoins possible d’estimer le nombre véritable des naissances d’enfants dont l’un des deux parents au moins est immigré ou originaire de l’immigration, en se fondant sur les données enregistrées en Italie. L’Italie présente en effet une population équivalente en nombre à celle de la France métropolitaine (environ 60 millions). A la différence de la France, en revanche, l’Italie ne connaît une immigration massive que depuis quelques années (2002 précisément). La France étant un pays économiquement et culturellement proche de l’Italie (même si la politique familiale française est plus favorable), on peut faire l’hypothèse que, si la population française n’était composée que de Français ou d’européens « de souche », le nombre des naissances serait proche de celui constaté en Italie jusqu’en 2002. En considérant donc que la différence entre le nombre annuel des naissances enregistrées en Italie jusqu’en 2002 (environ 550 000) et le nombre des naissances enregistrées actuellement en France (environ 800 000) est pour l’essentiel attribuable aux personnes immigrées ou originaires de l’immigration, l’on peut estimer que le nombre de naissances attribuables à l’immigration est actuellement en France de 250 000 par an (soit un nombre sensiblement supérieur au nombre de 136 000 calculé par l’INED).
La comparaison des taux de fécondité enregistrés en Europe conduit à conforter l’hypothèse émise ci-dessus et à postuler que les immigrés sont à l’origine d’un nombre important de naissances. On constate en effet que dans les pays d’Europe centrale et orientale et dans les pays d’Europe du sud, qui ont en commun de ne connaître qu’une immigration faible ou récente, l’indicateur de fécondité (c’est-à-dire le nombre moyen d’enfants par femme) est d’environ 1,3 tandis qu’il est nettement plus élevé en Angleterre (1,8), aux Pays-Bas (1,7) et en France (qui détient le record avec un indicateur de 2). Il se trouve que ces pays où les indicateurs sont élevés (par comparaison avec les autres pays européens) sont ceux dans lesquels l’immigration est importante et où elle a commencé depuis plusieurs décennies (l’Allemagne, où l’immigration est relativement élevée, présente un cas particulier puisque sa fécondité est faible – de l’ordre de 1,3 ; quant aux pays d’Europe du Nord, leur fécondité élevée, d’environ 1,8, n’est pas liée à l’immigration, laquelle est récente et pour l’instant limitée).
Une dernière série de données vient confirmer que les immigrés sont, en France, probablement à l’origine d’un nombre important de naissances. L’INED relève ainsi que l’indicateur de fécondité des femmes immigrées est significativement plus élevé que celui des autres femmes : tandis que le nombre moyen d’enfant par femme est de 1,7 pour les femmes nées en France métropolitaine, il est de 2,57 pour les femmes nées en Algérie, 2,97 pour celles nées au Maroc, 2,86 pour celles nées dans un pays d’Afrique sub-saharienne, et de 3,21 pour les femmes nées en Turquie (qui ont le comportement démographique le plus dynamique).
Reprenons la donnée essentielle mise en exergue dans cet article, afin de répondre à la question posée initialement : le nombre annuel des enfants qui naissent actuellement en France métropolitaine et dont l’un des parents au moins est immigré ou originaire de l’immigration peut être évalué à 250 000 (ce qui représente environ un tiers du total des naissances).
Sources : INED « Populations et sociétés » n°400 (avril 2004) notamment le tableau n°1- INSEE Tableaux économiques et sociaux 2009, pour les naissances en France et en Italie- Eurostat (Country profiles-Population change) pour l’immigration en Italie./.