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Marcel Detienne est anthropologue et helléniste d’origine belge, naturalisé Français. Dans son dernier livre, il conteste la création d’un ministère de l’identité nationale et réfute le thème cher à Maurice Barrès de La terre et les morts, sur lequel repose souvent l’identité nationale. Il dénonce le culte des racines de la nation, de son passé et de ses heures glorieuses. Même la carte d’identité nationale lui semble suspecte …

Voici quelques jours, le hasard m’a fait croiser un aimable «non-autochtone». C’était à l’occasion d’un séminaire de recherche sur le principe d’incertitude du droit à l’identité. (…) Mon interlocuteur m’a demandé ce que voulait dire «autochtone» en français et quel rapport il y avait entre cette étrange qualité et ce qu’on appelle l’«identité nationale». Il avait entendu dire qu’elle existait en carte. Pouvait-on la trouver dans un distributeur, et où donc ?
Pour un «non-autochtone» sans préjugés, le mieux, semble-t-il, est d’avoir quelque lumière sur la chose dite «identité nationale». Bien étrange pour qui vient d’ailleurs, mais assez simple à décrire dans la terre des Gaulois et des Francs où elle est née et a grandi. C’est, en effet, la France d’Europe (et non pas celle d’outre-mer) qui constitue le meilleur laboratoire pour analyser l’alchimie de l’identité nationale.
Elle pourrait commencer par une approche légère et sans ornement de l’identité collective : ce qui permet à des êtres humains de croire qu’ils appartiennent à un groupe dont les individus se ressemblent plus que d’autres, parce que, comme il se dit, ils sont nés d’un même sol ou possèdent le même sang depuis toujours. En bref, l’identité d’une collectivité renvoie à la «mêmeté», être les mêmes, rester les mêmes. Ce qui peut survenir dans le cadre d’une tribu, d’une ethnie ou d’une nation. Comme vous l’entendez. (…)
Quant aux religieux qui avaient inventé au XIIe siècle le «cimetière chrétien», excluant les juifs, les infidèles, les étrangers et autres mécréants, ils continuent à entretenir, d’une République à la suivante, la croyance que nous sommes les héritiers des morts, de nos morts plus précisément, et depuis la préhistoire. De «grands historiens» s’en portent garants avec l’extrême droite et ses suiveurs. (…)
Il est temps de demander courtoisement à mon vis-à-vis d’où il vient, s’il est comme moi, un nomade sans racines : non point, me dit-il, «Je suis un Mayagyar de souche». Parfait, vous êtes ici au pays de la Révélation de l’identité nationale. (Le Monde)

Ré-écouter Marcel Détienne dans cet entretien qui l’oppose à Daniel Lefeuvre :
“Enfin… Qu’est ce que c’est… ? Hériter de quoi ? Parce qu’on est né là dans c’ trou là ? Et qu’on a le droit d’être un héritier, qui se prend pour un grand Français, avec toute l’histoire de France derrière lui. Ah, pas question ! Non !”
Extrait :
[audio:http://www.fdesouche.com/bds/detienne.mp3]

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