Bannissez de votre vocabulaire les expressions trop stigmatisantes comme “voyous”, “délinquants”, “racailles” ou “bandes ethniques” et préférez dorénavant le nouveau concept socio-éducatif de “jeunes en insécurité linguistique”™ pour une plus grande ouverture à l’Autre et un meilleur dialogue inter-culturel.
Lu dans Libération : un article d’Alain Bentolila, linguiste, professeur à l’Université Paris Descartes :
Si nos enfants – je dis bien nos enfants – passent à l’acte plus vite et plus fort, c’est parce que ni nous ni leurs maîtres n’avons su leur transmettre la capacité de mettre pacifiquement en mot leur pensée pour l’Autre. Un élève sur dix environ quitte aujourd’hui notre système scolaire en situation d’insécurité linguistique. (…) Leur drame n’est pas de ne pas savoir parler selon les règles, leur drame est que l’école n’a pas su leur donner le goût de l’Autre. (…)
Novembre 2006 ; j’accompagne ma fille, convoquée au tribunal d’instance de C. (…) En bas, à la barre, quelques avocats pressés, sans connaissance réelle des dossiers et sans aucune relation avec leurs «clients», ces derniers tous blacks et beurs, en uniforme de la cité, sweats et baskets, répondent aux questions par des tronçons de phrases sur un rythme haché et accéléré. (…) La tension monte encore d’un cran, des insultes sourdes sont marmonnées que le procureur tourne en dérision : «Expliquez-vous donc au lieu de grogner comme un animal !» Et survient alors ce qui me paraissait inévitable : l’adolescent saute par-dessus la barre, bondit sur l’estrade et empoigne le procureur au collet. (…)
16 ans, encore élève d’un lycée professionnel, citoyen français, il avait subi pendant treize à quatorze ans une obligation scolaire qui ne lui avait pas donné les mots pour laisser une trace de lui-même sur l’intelligence des autres.
Sources : Libération et Agoravox
