The Washington Post. Texte partiellement abrégé
Les inégalités raciales persistent aux Etats-Unis et les politiques en place n’y changent rien. «Ayons donc le courage d’appeler un chat un chat», propose un intellectuel noir conservateur.
La guerre ouverte par la discrimination positive aux Etats-Unis dure depuis plus longtemps déjà que n’importe lequel des conflits militaires que notre pays a connus. J’éprouve donc une certaine crainte en voyant le débat relancé aujourd’hui. (…) Le fait que les jeunes Noirs ont obtenu de moins bons résultats aux examens d’entrée à l’université en 2000 qu’en 1990 montre que l’obsession de la discrimination positive ne nous aide peut-être qu’à éviter une réalité plus inquiétante : le faible développement humain des Noirs. (…)
Depuis le début de la politique de discrimination positive, voici trente ans, personne n’a jamais pris la peine de mesurer son efficacité. Des tentatives en ce sens ont été entreprises. Mais les études n’ont pas réussi à prouver que la discrimination positive comblait le fossé séparant les minorités des Blancs. Et à cet échec, la discrimination positive en ajoute un autre, en ne parvenant pas à établir une égalité réelle entre Noirs et Blancs. Sans cette parité de base, il ne pourra jamais y avoir de vraie égalité dans l’emploi, les revenus, l’accès à la propriété et à l’éducation supérieure. En revanche, la discrimination positive a rendu aux institutions américaines leur légitimité.
Nous sommes aujourd’hui coincés dans un maquis juridique créé par l’incompatibilité de deux conceptions de l’égalité : la “discrimination indirecte” et l’“égalité devant la loi”. La discrimination indirecte laisse entendre qu’un pan entier de la population peut être dit victime de discrimination. Si, comme dans l’affaire Ricci contre DeStefano, aucun pompier noir n’obtient d’assez bonnes notes à un concours de promotion alors que beaucoup de Blancs réussissent, cela constitue une discrimination envers les Noirs.
La discrimination indirecte est entachée de deux tares intrinsèques : elle permet l’établissement d’une discrimination sur la base d’une simple présomption, et elle rend l’injustice collective. A cause de la discrimination indirecte, tous les pompiers noirs de New Haven ont été déclarés victimes de discrimination, alors qu’il n’y avait aucune preuve que la municipalité avait été injuste envers l’un d’eux. Et la municipalité a annulé le concours parce qu’elle savait que, si elle n’accordait aucune promotion à un Noir (alors qu’elle en accordait à des Blancs), elle se rendrait automatiquement coupable de discrimination.
L’affaire Ricci montre bien que la discrimination indirecte repose sur un argument irrationnel. En annulant le concours parce qu’il avait un impact discriminant contre les Noirs, la municipalité de New Haven a créé un impact discriminant contre les Blancs. La préférence ethnique ne fait que suivre la logique faussée de la discrimination indirecte. Elle permet elle aussi de présumer qu’il y a eu discrimination sans preuve. Tous les Noirs, y compris des enfants aussi choyés que ceux du président Obama, peuvent prétendre à des mesures de réparation prévues par la préférence ethnique.
La discrimination indirecte et la préférence ethnique sont représentatives des politiques élaborées par une Amérique coupable. Elles sont des créations de la “culpabilité blanche” ressentie après les années 1960. Nous nous disputons sur la discrimination positive et la discrimination indirecte parce que nous ne savons pas comment parler de notre problème le plus grave : l’absence de parité entre les Noirs et les Blancs pour ce qui est du développement humain.
Nous, les Noirs, connaissons bien l’oppression, mais c’est notre manque d’expérience de la liberté qui nous entrave presque aussi sûrement que l’oppression de jadis.
En raison de cette inexpérience, nous ne voyons pas, par exemple, que la préférence ethnique et la discrimination indirecte ne peuvent que nous aider à résoudre un problème que nous n’avons plus. Le problème des pompiers noirs à New Haven n’était pas la discrimination, mais le simple fait que pas un seul Noir n’ait eu d’assez bonnes notes à l’examen pour décrocher une promotion.
Aujourd’hui, le problème noir n’est pas la discrimination mais notre incapacité à progresser. Les Blancs n’osent pas parler franchement de ce problème, et les Noirs sont trop fiers pour se pencher sur le sujet et le mettre sur la table. Alors, par accord tacite, nous en parlons en termes de discrimination. Mais la persistance de ce faible développement humain rend sans objet la plupart des discussions sur la question raciale aux Etats-Unis. (source) (via Erwinn)