Tribune libre
“Pendant le Ramadan, le seul Dieu, c’est la bouffe : ce mois de discipline religieuse est devenu un mois d’auto-complaisance absolu et d’hédonisme vorace ” (north-of-africa.com)
Avez-vous déjà pratiqué un jeûne ? Un jeûne ayant de réelles vertus thérapeutiques, dépuratives, voire, selon vos croyances, spirituelles ? Si oui, vous savez déjà que le Ramadan n’est pas un jeûne. C’est même exactement l’inverse…
Quelle que soit la façon de considérer la question, qu’elle soit spirituelle, médicale ou physiologique, le Ramadan auquel se livre le musulman n’est pas un jeûne. C’est au mieux, d’un simple point de vue technique, une privation quotidienne d’eau et de nourriture pendant 12 à 15 heures, privation essentiellement placée sous le signe de l’impatience et de l’hypoglycémie agacée.
De la “pénitence” du jeûne véritable, du bénéfice escompté même d’une simple diète, il ne demeure souvent en effet dans le ramadan que l’attente crispée d’une libération à courte échéance, celle qui autorise, dès le soir venu, tous les débordements, tous les excès et, en fait de jeûne, la goinfrerie la plus absolue.
«Le ramadan, c’est la période fastueuse où on s’éclate en cuisine. Dès la rupture du jeûne, le festin, commence» dit cette musulmane qui n’a pas sa langue dans sa poche (Libération).
Dans beaucoup de pays musulmans, le mois de Ramadan est en effet devenu synonyme de consommation à outrance : les gens y mangent beaucoup plus qu’à n’importe quelle autre époque de l’année, et la période est marquée par la fièvre consommatrice qui frappe les ménagères en prévision des repas particulièrement riches des nuits “ramadanesques” .
“Le ramadan est l’occasion pour beaucoup d’une prise de poids notoire et de la multiplication de festivités nocturnes.” (afrik.com)
Ce paradoxe majeur d’un “jeûne” vécu sur l’alternance rapide entre privation et gloutonnerie se renforce d’une deuxième hypocrisie soigneusement entretenue : la stoïque restriction d’eau et de nourriture de la journée est pour une large part une orgueilleuse façade qui se lézarde au moindre examen.
“Je trouve qu’il y a beaucoup d’hypocrisie” témoigne Akimath, (Sénégal), “la plupart des gens ne font pas le ramadan avec sérieux ! Les gens se cachent pour manger et font semblant de jeûner en public… On dirait que faire le ramadan est plutôt une question d’honneur. Personnellement, je ne suis pas surprise quand je vois des gens manger. Je préfère ça aux cachotteries”
On lira avec un intérêt tout particulier le témoignage de ce professeur français au Maroc :
A Ramadan, des collègues [marocains] venaient souvent le matin prendre un petit déjeuner consistant. Ou dans l’après midi, un en-cas, du café et des œufs au plat, chez moi ou chez une autre collègue française, car ils n’osaient le faire chez eux. Mes amies françaises et moi (…) étions peinées de voir des adultes devoir se cacher comme des enfants mangeant un pot de confiture.
Au fur et à mesure de mes années passées au Maroc, les changements sont devenus très perceptibles. En 1973, mes élèves mangeaient en se cachant à peine dans les toilettes, ceux de 1995 arrivaient dès le premier jour, faussement épuisés de la première nuit précédant le premier jeûne, en se traînant avec un jeu de cartes dans les mains. Tout au long de ma carrière, j’ai du affronter l’immense paresse, le fallacieux prétexte de Ramadan, transformé par tous en un mois supplémentaire de vacances qui cachent leur nom.
On fait semblant de travailler, on fait semblant de jeûner, on ne travaille plus, on dort, on n’écoute plus, on geint, on saute les cours de fin de journée, mais on veille , on joue aux cartes, on se promène tard en ville (…)
Moi-même je jeûnais pour montrer que si l’on veut le faire, on le fait sans ce battage despotique ! (…). Je rappelais à mes élèves que les chrétiens avaient le carême. Et ceux qui voulaient le faire le faisaient dans la plus grande discrétion, sans cette ostentation.
Je suggérais que ceux qui faisaient Ramadan en renâclant ou en pleurnichant, n’avaient pas à le faire puisqu’ils témoignaient par leur attitude qu’ils n’en avaient aucune envie. Les élèves poussaient des hauts cris : comment ? Eux marocains, musulmans n’avaient pas envie de faire Ramadan ! Mais je me fourvoyais !
Qu’il était dur de les faire se regarder avec vérité, avec lucidité : ils étaient comme la société, toujours en train de se mentir à eux-mêmes, de porter le masque, de refuser de se poser des questions, de savoir qui ils étaient, ce qu’ils voulaient, d’affronter leur propre réalité : ils étaient musulmans sans discuter, sans réfléchir à ce que cela les engageait, ils étaient musulmans comme on est grand, petit, frisé ou châtain ! Il y avait, comme chez certains de mes amis marocains de faculté, le même aveuglement.
Je me rappelle de l’un d’entre eux qui dormait toute la journée et à qui nous passions les cours pour qu’il les recopie pendant la nuit : je lui dis, sous le sceau du bon sens me semblait-il : “mais en fait tu as juste inversé ton rythme de vie ; je ne vois aucune différence, ni d’épreuve du jeûne là dedans !”… Je l’avais offusqué !
Les simagrées du ramadan actuel n’ayant donc rien à voir avec une quelconque spiritualité — fut-elle de mauvaise aloi —, c’est sous un angle purement “culturel” qu’il faut envisager cette pratique : celui d’une affirmation identitaire.
“Pour une grande majorité de gens, c’est un rite identificatoire”, estime la sociologue Leila Babes. “Le ramadan marque davantage une appartenance culturelle et affective à une communauté” ajoute-t-elle. (source)
Cette affirmation identitaire, qu’en bonne logique on aurait pu espérer voir se résorber au fil des années (au fil de l’”intégration“), ne fait que croître. En France, ces prescriptions religieuses sont devenues un enjeu dès l’école :
Le mois de carême musulman est une occasion de tension dans beaucoup d’écoles, de collèges et de lycées. Massivement suivie, pratiquée par des enfants de plus en plus jeunes (depuis le cours préparatoire), l’observance du jeûne est manifestement l’objet de surenchères entre organisations religieuses, qui aboutissent à l’émergence puis à la diffusion de prescriptions de plus en plus draconiennes. (Rapport Obin, 2004)
La permanence des traditions musulmanes, leur conservation farouche par des populations présentes sur le sol européen depuis au moins trois générations, signe d’évidence — et au minimum — un divorce. Mieux, un refus.
“Non, ils ne veulent pas s’assimiler. Ni s’intégrer, ni s’associer. Ils veulent les droits sans les devoirs. Les papiers sans l’identité. Ils veulent pour eux les avantages de notre société et pour nous les obligations et interdits de leur coutume. Ils ne sont pas des hôtes mais des occupants.” (Libre Journal de la France courtoise)