Policiers et gendarmes, relayés par leur ministre Brice Hortefeux, s’inquiètent du possible “effet boomerang” de la future loi pénitentiaire prévoyant des aménagements de peines de prison qui pourrait, selon eux, provoquer une hausse de la délinquance.
Le projet de loi, adopté par le Sénat en mars, doit être examiné par l’Assemblée nationale. Il prévoit une série d’aménagements de peines – semi-liberté, libération conditionnelle ou bracelet électronique -, pour des personnes mises en examen, mais libres ou condamnées à de courtes peines d’emprisonnement.
Synergie (2e syndicat d’officiers de police) a dénoncé mercredi “l’incohérence et la duplicité” du projet. Il permettrait par exemple “à un condamné à deux ans de prison ferme de voir sa peine transformée en assignation à domicile”, a écrit le secrétaire général du syndicat, Bruno Beschizza, au ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux. En visite mercredi soir à Sevran (Seine-Saint-Denis) après avoir réuni les “patrons” des forces de l’ordre à Beauvau pour enrayer la récente hausse de la délinquance en France, M. Hortefeux a dit qu’il serait “vigilant” sur ce sujet, ajoutant “que la garde des Sceaux (Michèle Alliot-Marie) est totalement sur cette ligne”. “Il faut faire naturellement attention à ce que l’aménagement des peines n’aboutisse pas à un effet boomerang en terme de délinquance”, a-t-il déclaré.
Cette inquiétude d’un “effet boomerang” sur la délinquance, priorité affichée du chef de l’Etat, est partagée par de nombreux policiers et gendarmes, selon plusieurs témoignages recueillis par l’AFP. Elle a “été amorcée”, selon ces sources, dans une “note” récente de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), transmise “au plus haut niveau de l’Etat”, qui “anticipe les problèmes pouvant naître de la future loi pénitentiaire”.
L’authenticité de la “note” a été confirmée par le ministère de l’Intérieur et précise, selon lui, qu’il y avait 1.000 détenus de moins au 31 juillet 2009 qu’un an auparavant. Ces libérations, toujours selon la note, ont eu un “impact sur la délinquance”, notamment sur les cambriolages de résidences principales, en hausse de 12 % sur un an, selon les chiffres officiels, point noir de la délinquance.
Le projet de loi pénitentiaire qui “n’a pas écarté les récidivistes de ces mesures”, a prévenu M. Beschizza dans son courrier à Brice Hortefeux, sans faire référence à la note, “met en péril toute la chaîne de la lutte contre la criminalité”. Un avis que ne partage pas le président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), Christophe Régnard, pour qui “les aménagements de peine restent le meilleur moyen de lutter contre la récidive”.
Le problème, ajoute-t-il, “c’est le caractère automatique des aménagements, sans projet”. “Ce qui empêche la récidive ce sont aussi les travailleurs sociaux, des gens qui viennent s’assurer que la personne travaille, est réinsérée socialement. Or il n’y en a pas assez”. “C’est un vrai scandale de relier la hausse de la délinquance à la crise économique et au fait qu’on n’incarcère pas assez (…) le taux d’incarcération n’a jamais été aussi haut en France”, conclut M. Régnard.
Source : Le Point