En une décennie d’existence, la Banque Centrale Européenne a créé 2000 milliards d’euros. Cette somme colossale dépasse l’entendement. Un millier d’euros représente déjà une somme conséquente. Un million d’euros, c’est la richesse. Un milliard d’euros, c’est le pouvoir, la gloire et l’accès à l’élite. Alors que peuvent bien représenter deux mille milliards d’euros ?
Pour parler clair, cette injection correspond à un doublement de la masse monétaire : la Banque Centrale Européenne a créé autant d’euros en dix ans qu’il en existait à sa naissance en 1999. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Quoi qu’il en soit, cette information est trop importante pour être reléguée au rang de « détail technique ». Il est donc essentiel d’identifier qui bénéficie et qui pâtit de cette création monétaire. L’Essai sur la nature du commerce en général de l’économiste Richard Cantillon fournit quelques clés de compréhension.
Nous vivons dans une ère nouvelle : celle du papier-monnaie. Pendant presque toute l’histoire de l’humanité, de l’époque des Pharaons à la Première Guerre Mondiale, la monnaie était un métal rare : or ou argent. Ces métaux s’étaient imposés spontanément comme les plus aptes à faire fonction de monnaie d’échange, sous tous les cieux et à toutes les époques.
Tous ceux qui ont connu cette ère désormais révolue ont aujourd’hui disparu. Notre génération ne connaît que les billets de banque. Nous les connaissons, mais nous les comprenons à peine. Nous sommes mal équipés pour appréhender un phénomène aussi récent à l’échelle de notre civilisation.
D’où viennent ces billets de banque ? Combien y en a-t-il ? C’est la Banque Centrale qui les contrôle. Alors que le commun des mortels doit travailler dur pour percevoir un salaire, mettre un billet dans sa poche, ou avoirde l’argent sur son compte, la Banque Centrale Européenne (BCE) peut de son coté créer l’argent, ex-nihilo. Et elle ne s’en prive pas…
Quand la BCE crée de l’argent, elle ne le distribue pas de manière uniforme. Elle l’injecte en un point précis du réseau économique. L’économiste Richard Cantillon démontre par une série d’arguments irréfutables que celui ou ceux qui se trouvent les plus proches du point où la monnaie est injectée sont gagnants. C’est d’ailleurs fort intuitif : il vaut mieux être proche de la source de richesse qu’en être éloigné.
Une fois créé, cet argent frais circule de proche en proche à travers l’ensemble du réseau économique, et se retrouve au final dans nos poches. Mais – et c’est la leçon-clé de l’Essai sur la nature du commerce – , les derniers à mettre la main sur l’argent nouvellement créé sont perdants. Cantillon décrit en ces termes les avantages de ceux qui sont proches de la source :
Ils consommeront plus de viande, plus de vin ou de bière qu’ils ne le faisaient, s’accoutumeront à porter de plus beaux habits, à avoir des maisons mieux décorées, à posséder d’autres biens plus recherchés. Ils donneront de l’emploi à des artisans qui n’avaient pas auparavant tant d’ouvrage, et qui pour cette raison augmenteront également leurs dépenses. L’augmentation des dépenses de viande, vin, tissus… diminue nécessairement la part des autres habitants de l’État qui ne participent pas de ces richesses.
Les derniers à toucher l’argent seront perdants car le prix ce qu’ils consomment augmente avant que leurs revenus n’augmentent. Ils doivent donc se serrer la ceinture.
Application pratique : qui sont aujourd’hui les gagnants et les perdants ?
Ceux qui sont proches de la Banque Centrale Européenne : les gouvernements et les grosses banques d’affaires. Les élites politiques et financières sont les premières à toucher l’argent nouvellement créé. Ce sont les gagnants.
Les derniers à toucher l’argent créé sont les Français moyens, les électeurs de base, les salariés de PME. Soit la vaste majorité des citoyens. Ceux que les élites appellent « le bon peuple ». Ce sont les perdants.
Cet état de fait a été résumé dans son style à l’emporte-pièce par Henry Ford, le fondateur des usines automobiles :
Si les gens comprenaient le système bancaire et monétaire, je crois qu’il y aurait une révolution avant demain matin.