Gérard Mestrallet, 60 ans, est polytechnicien et énarque, patron de GDF Suez, président de la Fondation Agir contre l’exclusion (FACE). Fadela Amara, 45 ans, est secrétaire d’État chargée de la Politique de la Ville. Leur parcours est très différent mais ils se rejoignent sur un point : le constat d’une société française en profonde transformation sur la question de la «diversité, sociale et ethnique».
Q. Les grandes entreprises ont fait beaucoup d’annonces sur la diversité. Politique de communication ou vrai tournant ?
Gérard Mestrallet : Il s’agit d’un mouvement structurel. Aujourd’hui, il est évident pour toutes les grandes entreprises que la diversité est un avantage concurrentiel. Ne pas prendre en compte ce vivier de recrutement, se priver d’éventuels talents serait une erreur et une faute. C’est l’intérêt bien compris des entreprises que d’avancer sur ce sujet. (…)
Q. Comment expliquez-vous cette évolution ?
G. M. : La compétition internationale et la mondialisation ont contribué à l’intensification de la diversité au sein des entreprises. C’est une force pour une entreprise mais aussi à l’échelle d’un pays. Regardez le Brésil. Le fait d’être une société totalement métissée lui donne une force inouïe. Pour moi, c’est un des principaux facteurs de son émergence parmi les grandes puissances. De ce point de vue, la composition sociologique de la France devrait être un avantage, nous permettant d’être moteur en Europe.
Fadela Amara : Nous sommes en train d’accoucher d’une France diverse, d’une République métissée. Le mouvement n’est pas spectaculaire et ne se voit pas devant des caméras.
Q. La fonction publique semble évoluer plus lentement que les entreprises. Pourquoi ?
F.A. : Notre système de recrutement contribue à la reproduction sociale : un tri social a lieu en amont des concours eux-mêmes. Mais il existe aussi, c’est un fait, une noblesse d’Etat qui ne voit pas d’un bon oeil l’émergence d’une élite des quartiers. Le président de la République a eu le courage politique de nommer des Rachida Dati ou des Rama Yade au gouvernement. (…)
Q. Les partis politiques n’ont pas suivi, si l’on en juge par les dernières élections municipales et européennes…
F.A. : Le sommet de l’Etat a bougé. Les partis politiques, eux, ont toujours tendance à être repliés sur eux-mêmes. C’est le cas sur la diversité et ça l’est toujours pour les femmes alors que la question est nettement plus ancienne. Il faut que l’effort soit accentué. Qu’on ait des élus, des préfets, des procureurs, des directeurs issus des classes populaires et des quartiers.
(Le Monde)