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par Didier Maupas

Les spécialistes de l’étude du comportement des primates affirment volontiers qu'” un singe n’existe pas” : ils veulent signifier par là que les singes anthropoïdes ne vivent qu’en famille, en couple ou en tribu et qu’on ne les rencontre jamais seuls à l’état de nature. Je suis tenté de dire qu’il en va de même pour l’homme.


L’anthropologie politique du XVIIIe siècle imaginait un homme primitif séparé de ses semblables, qu’il ne fréquentait que fortuitement. Rousseau présente “l’homme sauvage”,” errant dans la forêt, sans industrie, sans parole, sans domicile, sans guerre, sans liaison, sans nul besoin de ses semblables, comme sans nul désir de leur nuire, peut-être même sans jamais en reconnaître aucun individuellement.” (1) Il est remarquable d’écrire autant d’erreurs en si peu de mots.
En effet, aussi loin que l’on remonte dans le temps, les hommes ont laissé des traces d’une vie en société avec leurs semblables, dans une famille ou une communauté. La socialisation paraît aussi vieille que l’homme et même antérieure à l’hominisation. Les singes anthropoïdes, par exemple, vivent en clans hiérarchisés, connaissent des liens durables entre les sexes et des processus rudimentaires d’apprentissage social.
L’appartenance communautaire est une caractéristique essentielle des hommes. Les hommes se définissent autant par leur parenté biologique, celle-ci déterminant le patrimoine génétique hérité de la lignée dont ils sont issus, que par leur parenté culturelle. C’est l’interaction du biologique et du culturel qui structure leur personnalité et constitue la trame du devenir humain. L’identité ne se conçoit pas sans culture. Une anthropologie qui ne tiendrait pas compte de ces données serait utopique et ne pourrait que conduire à une politique dangereuse pour l’équilibre des hommes.
Précisément, beaucoup des traits de notre société actuelle paraissent ressortir à une pathologie du déracinement qui peut s’analyser comme la perte de la fonction structurante de la culture, c’est-à-dire comme un processus brutal d’individuation pathologique, qui fait éclater les communautés, privant l’homme du secours des formes et des normes culturelles. Et ceux qui, se réclamant du cosmopolitisme, préconisent un affaiblissement de notre identité et de notre sentiment d’appartenance communautaire pour toucher les dividendes hypothétiques d’une prétendue “ouverture” aux autres ne font qu’aggraver cette pathologie sociale née justement de l’affaiblissement des liens identitaires.
C’est pourquoi il est important d’analyser ce qu’impliquent l’appartenance communautaire et les phénomènes de déracinement. J’articulerai mon propos pour ce faire autour des trois points suivants :
1 – le rôle de l’appartenance communautaire dans l’équilibre de l’être humain et celui des sociétés ;
2 – les implications générales du déracinement sur cet équilibre ;
3 – les menaces qui pèsent présentement sur l’appartenance communautaire et notre identité.
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