L’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’Ademe, vient d’engager une aide de 30 millions d’euros pour développer cette filière, dont 7,2 millions iront à Total. Cette entreprise, qui a dégagé un bénéfice record de 13,9 milliards d’euros en 2009, a-t-elle besoin de l’aide de l’État pour lancer de la recherche sur les agrocarburants de deuxième génération ?
Jean Christophe Pouet, chef département bioressources de l’Ademe, justifie ce « cadeau » public fait aux pétroliers ainsi :« Ces grands groupes, si on ne les aide pas, ils ne passent pas à l’acte, et nous, ça nous permet suivre pendant sept ans leurs programmes de recherche. » Le pétrolier prétend assumer le tiers de la dépense totale (112,7 millions) alors qu’il n’engage que 21 millions d’euros et que 7,2 lui sont apportés par l’État.
Sur ce sujet, comme sur celui de la « voiture propre » largement choyée par le gouvernement, la volonté politique rencontre des intérêts privés : l’État a besoin d’entreprises capables de tester dans leurs sites industriels de nouveaux procédés, et si les tests débouchent sur le carburant du futur, ce sera jackpot pour le titulaire du brevet. Une nouvelle doublement bienvenue pour Total qui se plaint de l’arrivée de la taxe carbone et tente de redorer son image en plein procès en appel de l’Erika.
Jusque là rien de très inhabituel. Sauf que le bilan énergétique de la première génération est controversé, certaines ONG comme Oxfam estiment notamment que : « Le bilan d’émission de gaz à effet de serre de l’huile de colza produite en France est le double de celui du diesel qu’il remplace. Une catastrophe climatique. »
L’Ademe s’était engagée, lors du Grenelle de l’environnement, à analyser le bilan de cette première génération en toute transparence. Engagement non tenu puisque la décision la subvention de 7 millions à Total est accordée alors que comme le dit l’Ademe elle-même (page 21 du rapport), l’impact d’un « changement d’affectation des sols » n’a pas été analysé.
Le gouvernement fonce donc tête baissée vers une deuxième génération pour se conformer à la directive européenne sur les énergies renouvelables qui impose 10% de biocarburants en 2020, sans même avoir tiré de vraies conclusions sur la première. La décision de l’Ademe, en date du 7 octobre, s’est faite « sans débat », dénonce France Nature Environnement (FNE) dont l’avis négatif en conseil d’administration n’a pas été pris en compte.
Surtout, dénonce Michel Dubromel, responsable transports à FNE : « Les conclusions du rapport de l’Ademe tout juste publiées ne disent rien sur l’impact sur les sols. On reste inquiets pour l’appauvrissement des sols liée à cette agriculture intensive. »
Car transformer une prairie ou une forêt, capable de stocker du CO2 dans leur sol, en un champ de cultures d’agrocarburants, qui vont générer des émissions de CO2, peut avoir un bilan « catastrophique », comme l’explique Jean-Louis Bal, directeur des Energies renouvelables à l’Ademe, à l’AFP, citant l’exemple de l’huile de palme ou de soja, produites sur le sol d’anciennes forêts tropicales : « On peut avoir des émissions deux à quatre fois supérieures du fait du changement d’affectation des sols. » Rue89
(Merci à “Jeune con”, le mal nommé)