Plusieurs hauts commandants des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique du régime iranien, ont été tués dans un attentat suicide, le plus important de ces dernières années, dans la province de Sistan-Balouchistan (sud-est de l’Iran).
L’Iran accuse les Etats-Unis et la Grande-Bretagne d’être impliqués, de par leurs liens avec des groupes terroristes sunnites.
L’attentat s’est produit à 08H00 (04H30 GMT) dans la ville de Pishin, à la frontière avec le Pakistan, alors que les commandants des Gardiens de la révolution participaient à une réunion avec les chefs de tribus de la province du Sistan-Balouchistan destinée à renforcer “l’unité entre les chiites et les sunnites”, a indiqué l’agence Fars.
Six commandants des Gardiens de la révolution ont été tués lors de cette attaque.
Selon l’AFP, l’attaque aurait fait une vingtaine de morts au total. La télévision publique iranienne faisait, elle, état de 29 morts et 28 blessés.
D’après l’agence officielle iranienne Irna, “un homme portant des explosifs sur lui les a fait exploser lors d’une réunion des chefs de tribus” avec les commandants des Gardiens de la révolution.
La population iranienne, forte de 71 millions d’habitants, est composée à plus de 90% de chiites, mais la province du Sistan-Balouchistan, située à la frontière avec le Pakistan et l’Afghanistan, abrite une forte minorité sunnite. Cette province est le théâtre d’une insurrection de cette minorité et d’un intense trafic de drogue.
Un mouvement rebelle sunnite a d’ailleurs revendiqué l’attentat, si l’on en croit Mohammad Marzieh, procureur général de Zahedan, dont les déclarations ont été reprises par la télévision iranienne. “Le mouvement terroriste de Rigi a revendiqué la responsabilité de l’attentat”, dit-elle, évoquant Abdolmalek Rigi, chef de file des Joundallah (Soldats de Dieu).
Les Joundallah sont des sunnites de l’ethnie baloutche qui se sont signalés depuis près de cinq ans par plusieurs attentats sanglants dans la province du Sistan-Baloutchistan, proche des frontières pakistanaise et afghane. Pour l’Iran, pays majoritairement chiite, les Joundallah, qui affirment défendre les droits bafoués de la minorité sunnite, sont liés au réseau Al Qaïda. Téhéran accuse également les Etats-Unis et la Grande-Bretagne de les soutenir pour déstabiliser le pays.
Abdolmalek Rigi, dans une interview en 2007, dénonçait le “génocide” dont seraient victimes les Baloutches en Iran mais réfutait toute tentation séparatiste ou intégriste.
Les Joundallah ont au cours de leur histoire conclu des alliances plus ou moins durables avec différents groupes ou organisations, comme les taliban ou les services de renseignement pakistanais (ISI). Ces derniers voyaient dans le groupe sunnite un instrument contre le pouvoir iranien. Les Joundallah, qui se font aussi appeler “Mouvement de la résistance populaire iranienne”, ont été fondés en 2002 et ont lancé la lutte armée en 2005.
Depuis, le groupe a cherché à étendre ses opérations dans la province du Sistan-Baloutchistan, commettant enlèvements et attentats suicides. Les effectifs des Joundallah ne dépassent probablement pas la centaine d’hommes, armés d’armes de petit calibre et d’explosifs.
En juin 2005, les “soldats de Dieu” ont enlevé un officier des gardiens de la Révolution, Shahab Mansuri, et envoyé une vidéo de leur otage à la chaîne de télévision Al Arabya. Le prisonnier a été tué le 13 juillet suivant. Le 14 décembre 2005, une tentative d’assassinat avait visé le président Mahmoud Ahmadinejad en visite dans la région. Téhéran avait accusé les Joundallah.
En 2007, le groupe a revendiqué plusieurs attentats. Le 14 février, un car transportant des gardiens de la Révolution avait été attaqué dans la ville de Zahedan, la capitale provinciale. Cette attaque avait fait 11 morts. En décembre 2008, un attentat suicide avait été commis contre le quartier général de l’armée à Zaravan par Abdul-Ghafoor Rigi, un frère d’Abdolmalek.
Le 28 mai dernier, un kamikaze a fait 25 morts et plus de 120 blessés dans une mosquée chiite de Zahedan. Deux jours plus tard, trois hommes accusés d’implication dans cet attentat étaient pendus en public, et deux autres le 2 juin. En juillet, 15 autres membres présumés des Joundallah ont été exécutés.
Des “sources informées” font état d’une implication britannique directe dans l’attentat de dimanche, rapporte la télévision publique iranienne. A la mi-journée, les Etats-Unis étaient accusés par les autorités iranienne via la voix du président du parlement iranien Ali Larijani.
Les Gardiens de la révolution ont eux accusé, dans un communiqué, “l’oppression mondiale d’avoir provoqué les éléments à sa solde” pour commettre cet attentat. L’oppression mondiale désigne généralement les pays occidentaux, en particulier les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.
Pour sa part, le président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement, Allaeddine Boroujerdi, a accusé “les Etats-Unis d’être derrière les groupes terroristes, notamment le groupe (sunnite Joundallah dirigé par Abdolmalek) Rigi”, a rapporté l’agence de presse Mehr.
Les accusations iraniennes avaient été confirmées par un frère d’Abdolmalek Rigi, cité par l’AFP, le 25 août dernier :
« Les Etats-Unis ont créé et soutenu Joundallah (soldats de Dieu) et nous recevions nos ordres d’eux », a déclaré Abdolhamid Rigi, le frère du leader du mouvement, Abdolmalek Rigi. Il s’exprimait lors d’une conférence de presse au sein d’un bâtiment gouvernemental de la ville de Zahedan, capitale de la province du Sistan-Balouchistan (sud-est) et non dans l’enceinte de la prison où il est détenu.
Selon le correspondant de l’AFP, le condamné à mort était habillé en civil, et non en tenue de prisonnier, et des images d’attaques attribuées au groupe rebelle ont été diffusées.
Les Etats-Unis nous disaient « qui frapper et ne pas frapper. (…) Ils disaient qu’ils allaient nous fournir tout ce dont nous avions besoin en terme d’argent et de matériel » notamment, a-t-il ajouté.
Deux mois auparavant, le site Géostratos évoquait les liens des Joundallah avec Al Qaïda et la CIA :
Le Joundallah dispose d’une radio FM en langue persane Rang-A-Rang, qui est basée en Suède et de la télévision satellitaire homonyme qui est basée aux USA (basée en Virgine, non loin du Pentagone…). Joundallah est dirigé par Abdolmalek Rigi et très probablement sponsorisé par la CIA.
Le 31 mai 2009 sur Rang-A-Rang TV, le leader du groupe, Abdolmalek Rigi, a déclaré que le Joundallah avait signé un accord avec les Moudjahidines du Peuple (OMPI, régulièrement cité sur ce site), autre organisation terroriste.
C’est l’OMPI qui aurait fourni les renseignements nécessaires aux attentats, tandis que le Joundallah aurait favorisé le transit de Moujahidines en Iran. Toujours selon Abdolmalek Rigi, le rapprochement entre les Moudjahidines et le Joundallah aurait été opéré par l’intermédiaire d’Abu Omar al-Baghdadi, le leader d’Al-Qaïda en Irak.
C’est la première fois qu’un lien aussi direct entre l’OMPI et Al Qaïda est rendu public.
L’OMPI – Les Moudjahidines du Peuple sont basés en France. Ils sont considérés comme une organisation terroriste par le département d’État des États-Unis, tout en étant armés et encadrés par les troupes américaines en Irak.
Tout en reconnaissant avoir organisé de nombreux attentats dans les années 80, ils affirment avoir abandonné le terrorisme aujourd’hui et ont donc été retirés de la liste européenne des organisations terroristes.