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Les Espagnols ne voient aucun des timides signes de reprise qui clignotent ici et là en Europe. Alors que l’Espagne est le pays de la zone euro qui a le plus dépensé en plans de relance (2,3 % du produit intérieur brut en 2009), elle reste l’enfant malade de l’Europe, avec une perte d’activité au deuxième trimestre de 1,1 % du PIB, contre une moyenne de – 0,1 % dans l’Union, selon les chiffres d’Eurostat publiés le 7 octobre.
Les effets du plan d’investissement de 8 milliards d’euros, qui a permis de préserver près de 400 000 emplois dans le bâtiment et les travaux publics (BTP) depuis le printemps, arrivent à leur terme.

L’hémorragie du chômage a repris à la rentrée, avec 80 367 chômeurs supplémentaires en septembre.

Ni les experts, ni le gouvernement ne se risquent à pronostiquer une sortie de crise, tant l’économie espagnole paraît touchée en profondeur en raison de caractéristiques qui lui sont propres : faible productivité, gros déficit extérieur (10 % du PIB), fort endettement des ménages, chômage record, etc.
Au risque de retarder encore l’échéance de la reprise en pénalisant une consommation déjà atone, le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero a adopté un projet de budget – actuellement en débat au congrès des députés -, qui prévoit une forte hausse d’impôts directs et indirects, censée rapporter 11 milliards d’euros à l’Etat.
La première raison tient au creusement du déficit public. Excédentaires à hauteur de 2,2 % du PIB en 2007, les comptes publics devraient terminer l’année à – 10 %, selon les estimations les plus optimistes.
Outre les plans anticrise, l’envolée des dépenses est due à l’explosion des aides aux chômeurs. Pour 2010, le gouvernement a provisionné 31 milliards d’euros, soit une augmentation de 59 % par rapport à 2009, sur la base de 18,9 % de demandeurs d’emploi. Or Eurostat table plutôt sur un taux dépassant 20 %.
Pour revenir dans les clous du pacte de stabilité en 2012, comme il l’a promis à Bruxelles, le gouvernement doit trouver au minimum 65 milliards d’euros dès 2010. Une gageure, car M. Zapatero n’a pas l’intention de renoncer à sa politique de protection sociale, dans la mesure où il a besoin de l’appoint des petites formations de gauche au Parlement pour maintenir sa majorité et d’un consensus minimal avec les syndicats. Il a ainsi créé, cet été, un revenu minimum d’insertion de 420 euros pour les chômeurs en fin de droits, et promis d’augmenter les salaires et la retraite minimaux.

“Ce qui est préoccupant, c’est que plus de 4 % du déficit public est de nature structurelle”, précise l’économiste Angel Laborda (Funcas, fondation des Caisses d’épargne espagnoles), “et existait déjà en 2007. Or le système fiscal espagnol est incapable de financer un tel niveau de dépenses structurelles permanentes.” En quatorze ans de croissance, aucun gouvernement ne s’est attaqué à ce problème, l’aggravant au contraire en cédant aux exigences des dix-sept communautés autonomes qui composent le pays. “Dans un système aussi décentralisé, la marge de manoeuvre de l’Etat pour contrôler la dépense publique est finalement très limitée”, reconnaît un expert.

La chute des recettes fiscales liée à la baisse de l’activité et de la consommation risque de se prolonger. “Pour sortir de la crise, l’Espagne ne doit pas seulement remettre ses chômeurs au travail, elle doit changer de modèle productif pour inventer des emplois dans des secteurs nouveaux. De ce point de vue, les coupes budgétaires prévues dans la recherche et développement sont une erreur”, estime l’économiste Rafael Pampillon, de l’école IESE de Madrid.
“L’Espagne ne retrouvera jamais les 6 % de PIB et les 8 % d’emplois perdus dans la construction avec l’éclatement de la bulle”, relève l’économiste Fernando Fernandez, de l’IESE de Madrid. Pour lui, les tares de l’économie espagnole existaient avant la crise et le gouvernement Zapatero doit y faire face dans le pire des moments. “La crise espagnole est du type de celle qui a frappé l’Argentine : l’économie a perdu sa compétitivité sans que les changements structurels nécessaires aient accompagné l’entrée dans l’euro.”
Le Monde

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