Bob Herbert, éditorialiste du New York Times, s’insurge devant le scandale de l’insolente richesse retrouvée par ceux qui n’ont dû leur survie qu’au prix d’un sauvetage qui a ruiné l’Etat, alors même que la grande majorité de ses concitoyens lutte pour parvenir à joindre les deux bouts ou à conserver un toit.
Les grands titres qui faisaient la première page du New York Times ce samedi résumaient sans le vouloir la situation terrible dans laquelle nous avons permis que notre pays s’enfonce.
A droite, le titre de Une annonçait : « Le déficit US s’élève à 1 400 milliards de dollars – le plus important depuis 1945. »
Celui situé à proximité disait : « Le renflouement permet la renaissance des banques et des bonus »
Nous avons passé ces dernières décennies à couvrir les riches d’argent, comme s’il n’y avait pas de lendemain. Nous avons abandonné les pauvres, étranglé économiquement la classe moyenne et mis en faillite le gouvernement fédéral – tout en donnant à peu près tout ce qu’ils voulaient aux banques, aux méga-entreprises et à ceux qui sont au sommet de la pyramide économique.
Mais nous ne semblons toujours pas en avoir tiré les leçons qui s’imposent. Nous avons laissé tant de gens tomber dans le terrible abîme du chômage, que personne – ni l’administration Obama, ni les syndicats, ni certainement quiconque au Parti républicain – n’a la moindre idée sur la façon de leur redonner du travail.
Pendant ce temps, Wall Street tutoie les sommets. Je suis étonné de voir à quel point la population reste passive face à ce scandale qui perdure.
Au moment même où des dizaines de millions de travailleurs Américains se battent pour garder leur emploi et conserver un toit sur la tête de leurs familles, les petits malins de Wall Street se lèchent les babines avec un nouveau festin obscène de plusieurs milliards de dollars de bonus – cette fois-ci grâce aux milliards du plan de sauvetage fournis par l’Oncle Sam, en contrepartie de bien peu de contraintes.
Peu importe que l’économie éprouve toujours de graves difficultés. Comme le Times le notait samedi, pratiquement tout Wall Street « imprime de la monnaie. »
C’est une forme de magie noire qui a un air de déjà vu. J’avais écrit un article, trois jours avant Noël 2007, qui mettait l’accent sur la déconnexion profondément dérangeante entre Wall Street qui récoltait un niveau record de primes – entassant milliards sur milliards de dollars – alors que les familles de salariés arrivaient difficilement à joindre les deux bouts.
Nous apprendrions plus tard que c’est en décembre 2007 que cette grande récession avait commencé. J’avais écrit que « alors même que Wall Street se réjouit et passe des commandes record de champagne et de caviar, le rêve américain est en salle de soins intensifs. »
Nous avons donc assisté à une orgie de bonus lorsque la récession s’installait, suivie aujourd’hui par une nouvelle orgie (aux frais des contribuables) qui n’est ni plus ni moins qu’une arrogante provocation en direction de tous ceux qui ont souffert, et continuent de souffrir durant cette récession.
Que P.T. Barnum [le créateur du cirque Barnum] l’ait réellement dit ou non, il y a bien un pigeon qui nait à chaque minute. Les contribuables américains pourraient vouloir se regarder dans le miroir, pour vérifier si ce nom d’oiseau leur convient …
Nous devons procéder à quelques changements fondamentaux dans la façon dont vont les choses dans ce pays. Les joueurs et les escrocs du secteur financier, ces mêmes clowns qui ont tant fait pour mettre l’économie à genoux, poussent des hauts cris sur leur bon droit lorsqu’on évoque la perspective de règlements visant à lutter contre les pires aspects de leur comportement excessivement risqué, afin de les empêcher de provoquer une nouvelle crise économique.
Nous devrions aller encore plus loin. Nous avons institutionnalisé l’idée selon laquelle il existerait des entreprises qui sont trop grandes pour être laissées faillir et que par conséquent, « nous, le peuple » serions tenus de veiller à ce que cela n’arrive pas – même si cela entraîne la ruine des finances de l’Etat et met en péril le niveau de vie des gens ordinaires. Quel sens tout cela a-t-il ?
Si une société est trop grosse pour faire faillite, alors c’est qu’elle est trop grosse pour exister. Démantelons-la.
Pourquoi l’opinion publique devrait-elle se soucier constamment qu’un faux pas des équilibristes de haut vol de Goldman Sachs (pour prendre l’exemple le plus évident) puisse mettre en péril l’économie toute entière ? Ces acrobates financiers retirent des avantages extraordinaires de leur extravagantes prises de risque – des chèques de paie de plusieurs millions de dollars, des maisons grandes comme des châteaux – mais le public doit être là pour absorber les chocs les plus douloureux lorsqu’ils font une terrible chute.
Assez ! Goldman Sachs s’enrichit alors que le pourcentage total du chômage et du sous-emploi atteint le chiffre stupéfiant de 20%. Les deux tiers de l’ensemble des augmentations de revenus entre 2002 et 2007 – les deux tiers ! – sont allés aux 1% des Américains les plus riches.
Nous ne pouvons pas continuer à transférer la richesse de la nation à ceux qui sont au sommet de la pyramide économique – ce que nous avons fait depuis environ trente ans – tout en espérant qu’un jour, peut-être, les avantages de ce transfert se manifesteront sous la forme d’emplois stables et d’une amélioration des conditions de vie de millions de familles qui luttent pour y arriver chaque jour.
Cet argent n’atteindra jamais le bas de la pyramide. C’est un conte de fées. Nous sommes fous de continuer à y croire.
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