Le déficit de la France va se creuser à 116 milliards en 2010. Cet argent qui va être emprunté sur les marchés, fait l’affaire des investisseurs, notamment étrangers en recherche de sécurité. L’État en profite aussi.
L’état des finances publiques est, on le sait, très dégradé. En 2010, la moitié des dépenses publiques ne sera pas financée par des recettes. Il faudra donc faire appel, une fois de plus, à la dette publique.
Pour financer ce déficit et pour rembourser les anciennes dettes arrivées à échéance, la France va émettre 212 milliards d’euros de dette (hors grand emprunt) via des titres de moyen et long terme (BTAN et OAT) et des titres de court terme (BTF). En 2009, son besoin de financement atteignait 252 milliards alors qu’il était de 81,5 milliards dix ans plus tôt.
Qui va prêter cet argent à la France? Quels sont nos créanciers et pourquoi le font-ils?
La dette française est très appréciée des étrangers. Elle bénéficie d’une excellente réputation sur les marchés avec la meilleure note AAA donnée par les agences des notations. Elle attire les investisseurs, en particulier, les étrangers.
À fin juin 2009, la dette était détenue à 65,7% par des non-résidents, selon les derniers chiffres de la Banque de France. La part des non-résidents a progressé de près de 6 points en l’espace de seulement deux ans!
Selon Philippe Mills, directeur général de l’Agence France Trésor (AFT) qui a en charge la gestion de la dette de l’État, “les acheteurs asiatiques sont des acheteurs nets chaque mois, ainsi que ceux du Moyen-Orient et du Maghreb.” Et selon des travaux du FMI cités par Philippe Mills, la répartition de la dette serait grossièrement d’un tiers pour les résidents, un tiers pour les non résidents de la zone euro et un tiers pour les pays hors zone euro.
Les investisseurs Français achètent aussi de la dette à l’État et remplacent ainsi d’une certaine façon l’impôt (sauf qu’ils sont rémunérés). Les OAT, obligations de long terme de l’État (entre 10 et 50 ans) sont détenues à 21% par les sociétés d’assurance, à 14% par les banques, à 4% par des OPCVM (de fonds d’investissement notamment utilisés par les particuliers) et à 60% par les non-résidents, selon le rapport 2008 de l’AFT.
La dette, valeur refuge. En 2009, les investisseurs ont montré un grand appétit pour ces titres sûrs, liquides (facile d’en acheter et de le revendre sur le marché secondaire) et transparents alors qu’au cœur de la crise, les marchés financiers, devenus allergiques aux actifs risqués, capitulaient. La rémunération des obligations (les coupons déterminés par les taux d’intérêts) est pourtant assez faible. C’est donc surtout la sécurité que recherchent les investisseurs.
Cette appétence pour les obligations d’État devrait se poursuivre en 2010, les marchés restant volatils et risqués.
Deuxième stimulus pour l’achat de dette: dans le cadre de la nouvelle réglementation financière, les banques et les assureurs vont devoir mobiliser des capitaux liquides et de qualité dans leurs bilans. Les banques vont donc accroître leur achat de dette.
Enfin, l’appréciation de l’euro face au dollar et le besoin de diversification de devises des cambistes rendent les titres d’État libellés en euros encore plus attractifs.
Pour l’agence France Trésor, la demande structurelle des titres d’État va donc être forte et suffisante forte pour absorber nos besoins de financement et celle des autres pays qui vont aussi fortement s’endetter (en moyenne de 20 points de PIB pour les pays OCDE d’ici à 2011).
À ces émissions colossales de dettes, il faut en plus ajouter les émissions d’obligations des entreprises. Celles-ci font face à une raréfaction du crédit bancaire et choisissent de plus en plus de se financer sur les marchés obligataires, surtout en Europe où les entreprises étaient très dépendantes des banques.
L’État profite, lui-même, de cette situation sur les marchés. Malgré les montagnes d’argent empruntées, les obligations d’État se placent aujourd’hui très bien et à un coût très faible, surtout pour les titres à court terme (BTF).
En outre, l’appétit des non-résidents pour les titres de l’État est une autre une bonne nouvelle. “Dans leur ensemble, les flux des non-résidents permettent de minimiser le coût de financement de l’État, dans l’intérêt du contribuable,” explique le directeur général de l’AFT.
Mauvaise nouvelle: l’attrait des investisseurs et la faiblesse du coût sont aussi un pousse-au-crime pour l’État dont l’endettement parait indolore. Pour reprendre l’expression de Philippe Marini, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, l’État profite de “l’insoutenable légèreté de la dette.”
Cela ne devrait pas durer éternellement, le retour de la croissance et de l’inflation laissent envisager une hausse de la courbe des taux d’ici au printemps 2010. La fête de l’endettement bon marché sera définitivement finie. A partir de 2011, les États européens promettent de revenir sur le chemin de la rigueur budgétaire. E24