Le président de la République a annoncé un plan d’aide de 1,65 milliard d’euros en faveur des agriculteurs.
Réactions et analyses de Jean-Christophe Bureau, professeur d’économie à AgroParisTech, chercheur associé au CEPII, et de Nicolas-Jean Brehon, économiste à la fondation européenne Robert Schumann.
Jean-Christophe Bureau. Oui, indiscutablement, les difficultés actuelles du secteur sont liées à la crise qui a fait chuter les prix des matières premières, de même que la demande mondiale de produits agricoles. La baisse généralisée du prix des produits agricoles est également liée à la faiblesse du dollar.
Nicolas-Jean Brehon. Effectivement, cette baisse accentue leurs difficultés. En réalité, le fond du problème du secteur vient de la volonté européenne et mondiale de dérégulation de ce secteur.
Que pensez-vous des mesures d’aides annoncées par Nicolas Sarkozy ?
J-C. B. Ce sont des mesures d’urgence, des mesures pansement, qui se traduisent par des exonérations de charges sociales, des avances sur trésorerie, etc. Je m’interroge sur la validité des 200 millions de prise en charge d’intérêts d’emprunts pour 2009-2010, qui sont des subventions directes de l’Etat. Je ne suis pas sûre que cela passe auprès de Bruxelles. En outre, je trouve décevantes les mesures d’allègements de la TIPP (produits pétroliers) et de la TICGN (gaz naturel), ainsi que le remboursement de la taxe carbone. Ce sont des mesures anti-Grenelle de l’environnement, surtout quand on sait que l’agriculture française est à l’origine de 20% des émissions de gaz à effet de serre.
N-J. B. J’ai apprécié le fait que le président de la République rappelle que l’agriculture fait partie de l’identité nationale française. Concernant les mesures, c’est du classique. Il n’y a pas d’audace. Car il ne faut pas se leurrer : la pression concurrentielle sur les agriculteurs est écrasante en Europe. On ne pourra pas sauver à terme les 360.000 exploitations agricoles françaises. La France doit trouver sa voie entre agriculture productiviste et agriculture artisanale. Il faut inventer de nouveaux modes de production et de distribution.
Justement, Nicolas Sarkozy a dénoncé l’écart entre la baisse des prix payés aux producteurs et la baisse des prix à la consommation des produits alimentaires. Est-ce une avancée ?
J-C. B. Il y a les paroles et les actes. Sur ce point, je n’ai pas entendu de mesures concrètes.
N-J. B. Ce qui est nouveau et positif, c’est que cette réalité soit dénoncée au plus haut niveau de l’Etat.
Le plan de soutien à l’agriculture annoncé mardi par le président de la République n’est “pas de nature” à calmer les inquiétudes sur les finances publiques, a déclaré Jean Arthuis, le président de la commission des finances du Sénat. Fallait-il débourser autant pour l’agriculture, qui n’est pas réellement un secteur stratégique d’avenir ?
J-C. B. 1,65 milliard, ce n’est pas disproportionné au regard du poids du secteur de l’agriculture, qui représente un peu plus de 1% du PIB national et emploie quelque 600.000 personnes. Ce plan était nécessaire à court terme, mais c’est un engrenage dangereux, car le pire de la crise agricole reste à venir. Ce plan est un signal fort sur l’échiquier politique européen. La France entend dire qu’elle n’acceptera pas une baisse du budget de la PAC en 2013.
N-J. B. Ce plan était nécessaire face à la crise que traverse actuellement le secteur, en plein marasme. Le problème est que nous ne sommes qu’au début de cette crise du secteur : les années 2010, 2011 et 2012 vont être encore plus effroyables. Et là, il n’y aura plus d’argent de l’Europe. La Commission européenne entend en effet réduire de façon drastique le budget de la PAC en 2013.