Le 14 novembre, des hôtesses distribueront du cash aux passants dans les rues de la capitale, sans aucune contrepartie. Objectif : une publicité monstre pour un site Internet de commerce en ligne.
De vrais billets en euros comme s’il en tombait du ciel. Scène surréaliste ? Pas tout à fait. Samedi 14 novembre, entre 14 et 17 heures dans trois «lieux représentatifs de la capitale», les Parisiens et touristes de passage dans la capitale risquent de croiser de charmantes hôtesses qui joueront les «mères-Noël» à bord d’un bus. Des billets de 10, 20, 100 et même 500 euros seront distribués aux passants ! Au moins 5.000 «petites bourses rouges contenant un tract publicitaire mais aussi et surtout du liquide», du jamais vu dans l’Hexagone. Les trois arrêts de bus ne seront dévoilés que deux jours avant l’opération. Ce coup de communication devrait soulever une puissante polémique.
De nombreux médias risquent de relayer l’opération, imaginée par la société de droit belge Rentabiliweb, dont le seul but est de promouvoir Mailorama.fr, qui compte plus d’un million d’inscrits. Le site est spécialisé dans le «cash back» (remboursement d’argent), activité qui consiste à rétribuer les internautes qui effectuent des achats en ligne chez ses partenaires, en leur reversant une petite partie de la somme déboursée.
Du cash sera donc distribué le 14 novembre à la population pour l’amener indirectement à dépenser celui-ci dans le commerce en ligne… «Peut-être que ça va en choquer certains. Mais filer de l’argent aux gens, c’est ce qu’on fait tous les jours», lâche sans complexe Aurélie Pugnet, porte-parole de la société, «largement bénéficiaire» selon elle. Le budget de ce «bus-cash» atteindrait plusieurs centaines de milliers d’euros, c’est-à-dire beaucoup moins qu’une campagne de pub en prime-time sur les grandes chaînes nationales.
Pour piloter le projet, la société a fait appel à trois agences de communication et à Stéphane Boukris. Un jeune diplômé d’une école de commerce habitué des polémiques. En mars dernier, il avait provoqué un tollé parmi les parents d’élèves et les enseignants en lançant le site Faismesdevoirs.com, qui proposait aux élèves de faire leur travail à leur place moyennant une rétribution minimum de 5 euros… et jusqu’à 80 euros pour un exposé complexe.
Un solide argumentaire a été concocté pour faire taire les critiques, notamment un «volet caritatif». Boukris l’assure : «On distribuera une grosse somme à deux associations caritatives, dont le Secours populaire». Il devra également éviter d’éventuels problèmes juridiques. Peut-on légalement distribuer de l’argent dans la rue ? «C’est absolument sans contrepartie. Ce n’est pas une arnaque, c’est un don», rétorque-t-il. Ce dernier s’appuie sur le Code du commerce, qui autorise en effet ce type d’action s’il n’y a aucune obligation d’achat ni publicité mensongère.
Autre problème : la Préfecture de police de Paris indique qu’elle «étudie avec attention le risque de trouble à l’ordre public que pourrait représenter cette distribution d’argent». Quinze vigiles seront recrutés pour éviter les éventuels débordements. Est-ce suffisant alors que les organisateurs attendent «des dizaines de milliers de personnes» ? «On veut que ça se fasse dans un esprit bon enfant. Si ça pose problème, le bus bougera», prévient encore Stéphane Boukris qui, malgré la pression médiatique attendue, exclut toute annulation de dernière minute.
D’autant qu’il peut s’appuyer sur une expérience similaire réussie à New York en mars dernier. Un homme se faisant appeler «Bill le renfloueur» avait distribué à Times Square, le cœur de Manhattan, de 50 à 3.000 dollars aux passants pour faire connaître un site de petites annonces. Malgré des températures négatives, plus de 800 personnes avaient fait la queue devant la pancarte «guichet sauvetage» pour toucher une liasse de billet. Seule différence – notable – avec la future opération française : les quémandeurs devaient expliquer publiquement au micro leurs problèmes (licenciements, maladies…) avant de se voir allouer une somme. Une obligation plutôt humiliante qui ne figure toutefois pas au programme le 14 novembre prochain dans les rues de Paris… Le Figaro
(Merci à Alex)