Plus de 20M€ de préjudice pour le fisc français! Après huit années d’instruction, 45 prévenus devront répondre, devant le tribunal correctionnel de Rennes, à partir d’aujourd’hui, et pour trois mois, d’une gigantesque fraude à la TVA. En toile de fond, notamment: milieu des affaires et franc-maçonnerie.
Des chefs d’entreprise et des P-DG, des gérants de sociétés, des experts-comptables, mais aussi un concierge, un VRP, une vendeuse, des retraités, l’ancien chauffeur d’Alfred Sirven… En tout, 45 personnes sont poursuivies pour avoir participé, à des degrés divers, à une gigantesque fraude à la TVA, entre 1995 et 1999. L’escroquerie, qui a été partiellement évaluée (plus de 20M€), avait été dénoncée par un chef d’entreprise nantais. Ouverte à Nantes, l’instruction avait ensuite été confiée à la toute nouvelle juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Rennes, en 2005. Il a finalement fallu huit ans d’enquête pour faire (en partie) la lumière sur cette arnaque.
Dans une loge de la GLNF
Cette escroquerie en bande organisée serait née, et aurait prospéré, au sein d’une loge de la GLNF, à laquelle appartenaient de hauts fonctionnaires. Grâce à certaines entreprises spécialement recrutées, ou créées pour l’occasion, à une banque très bienveillante, avec des complicités dans les ports du Havre, de Dunkerque, de Nantes et de Brest (*), les prévenus étaient parvenus à mettre en place une véritable machine à déclarer des ventes fictives… et à récupérer la TVA que rembourse l’État français, dès lors que ces marchandises sont destinées à l’export au sein de l’Union européenne. Un homme est soupçonné d’avoir organisé cette arnaque: Rubens Levy, un homme d’affaires du Havre. «Il a reconnu y avoir participé, mais a toujours nié en être l’inventeur et le principal bénéficiaire, insiste son avocat, Me Thierry Fillion. D’ailleurs, au cours de l’instruction, il est volontairement revenu d’Israël, pays dont on ne peut pas être extradé, pour s’expliquer…»
Services secrets et financement de partis
L’instruction a permis de retrouver la trace d’une partie de l’argent indûment perçu. Celui-ci alimentait le train de vie fastueux des principaux prévenus: achats de Ferrari, Porsche (…), bateaux mouillant à Saint-Tropez et Monte-Carlo, montres de marque (…), achat de vins prestigieux, d’oeuvres d’art, séjours dans des clubs Med ou des hôtels de luxe… Les enquêteurs n’ont pas pu remonter jusqu’à la destination finale d’importantes sommes d’argent qui transitaient par des paradis fiscaux. À plusieurs reprises, se dessine la piste de l’implication de services secrets de pays étrangers. En filigrane, de fortes suspicions de financement de partis politiques. On trouve aussi la trace d’un décès suspect, d’un enlèvement accompagné de tortures (non-lieu), et nombre de faux et parfois vrais-faux papiers: passeports, cartes de police et passeports diplomatiques… Le procès qui s’ouvre aujourd’hui à Rennes permettra-t-il d’en savoir plus? Il y a quelques années, l’un des principaux prévenus, Hocine Sahir, homme d’affaires algérien, promettait «des noms et des chiffres précis». Aujourd’hui, plusieurs sources évoquent «des pressions». Et un procès sous tension.
* À Brest, via la société Inter-Distributeurs (commerce de gros alimentaire), radiée en 2007. Parmi les 19parties civiles figure, dans le Finistère, la société Le Comptoirirlandais. Le Télégramme