Pourquoi les petites banques américaines font-elles faillite ? Parce qu’elles ne gagnent plus d’argent à prêter de l’argent.
Paul Jorion se demande combien de temps le gouvernement américain va reculer devant un plan de faillite organisé des banques qui sont condamnées à disparaître.
Je vais répondre brièvement à une question posée par un lecteur.
Question : Vous avez vu qu’il y a eu la 115ème faillite de banque aux USA ?
On a l’historique depuis 2008 ici.
Mais j’ai moi-même une question : quand on regarde l’historique depuis 1934, on voit que la crise 1988-1990 était bien plus destructrice.
Pourquoi la situation est-elle plus grave aujourd’hui qu’en 1988 ?
Est ce parce que les faillites touchaient alors de petits établissements, et donc les pertes étaient plus faibles (je n’ai pas trouvé l’historique des pertes) ?
On a la liste ici :
Le pic constaté à la fin des années 1980 correspond aux faillites en masse des Savings & Loans, les caisses d’épargne américaines. Spécialisées dans le prêt hypothécaire, prêt étudiant, prêt automobile, elles utilisaient des fonds à court terme (provenant de dépôts et de Certificats de Dépôt essentiellement) pour financer des prêts qui étaient donc à moyen ou à long terme (trente ans pour un crédit hypothécaire aux États–Unis). La tactique ne marche bien entendu que si les taux courts sont moins élevés que les taux longs, permettant au prêteur d’empocher la différence.
Les Savings & Loans ne résistèrent pas à un aplanissement de la courbe des taux : la différence entre les taux longs auxquels elles prêtaient et les taux courts auxquels elles rétribuaient les dépôts, devint trop mince pour que l’affaire reste rentable.
En 1989, le gouvernement américain finit par prendre le taureau par les cornes. Il orchestra des faillites en bon ordre au sein d’un organisme étatique : la Resolution Trust Corporation. L’abcès fut crevé : il en coûta à l’époque pour sauver les caisses d’épargne près de 190 milliards de dollars au contribuable américain.
Aujourd’hui, il est question de petites et de moyennes banques commerciales. Elles se sont spécialisées dans les crédits hypothécaires commerciaux : bureaux, hôtels, centres commerciaux, nouveaux projets de stations touristiques, etc. Toutes les entreprises qui sont financées là ont besoin de clients qui les fassent vivre. Si l’économie peut à la limite se satisfaire d’une reprise sans emplois, ce n’est pas le cas de crédits de ce type-là : il faut, pour que de tels emprunteurs puisse rembourser leur crédit, que les gens viennent et dépensent.
Jusqu’ici, comme l’on sait, le taureau n’a pas encore été pris par les cornes : on louvoie, on tergiverse, on modifie les règles comptables, pour que les pertes n’apparaissent pas tout de suite mais plus tard (NB : on fit exactement la même chose au début de la crise des Savings & Loans).
Mesure la plus récente qui situe parfaitement le climat actuel : on a appris samedi que « les régulateurs fédéraux du secteur bancaire ont publié des directives permettant aux banques de mentionner des crédits au bilan comme « performants » même lorsque la valeur des propriétés sous-jacentes est inférieure au montant du prêt » (Wall Street Journal).
On est donc dans la phase ascendante où on laisse gagner la gangrène en disant : « Ça durera ce que ça durera ! ». Dans cinq ans, on amputera, et cela coûtera autrement plus cher que les misérables 190 milliards de dollars de 1989 !
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(Merci à Pakc)