Un vent de panique est en train de souffler sur le Revenu de solidarité active (RSA). Une subtile taxe a été mise en place, qui concerne tous les éligibles au RSA, qu’ils soient d’ex-RMistes, allocataires de l’allocation de parent isolé (API) ainsi que des salariés pauvres touchant une partie du RSA.
En recevant leur déclaration trimestrielle envoyée par leur Caisse d’allocations familiales, nombre de personnes éligibles au Revenu de solidarité active (RSA) découvrent avec surprise que leurs (maigres) ressources sont taxées pour financer le RSA…
Le gouvernement avait estimé à près de 3,5 millions de personnes qui pouvaient prétendre au RSA, dont 1 million de Rmistes et environ 2 millions de salariés. Le coût du RSA, estimé à 10 milliards d’euros, devait être financé pour moitié par les conseils généraux (les départements), l’autre moitié étant financée par l’État.
En fait, ce mode de financement masque une taxation que le site Internet du Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté a été récemment contraint de mettre au jour. Le Haut commissariat a en effet été obligé de mettre en ligne, le 2 octobre, une réponse aux « inquiétudes qui se sont récemment manifestées sur le formulaire de demande du RSA à propos de la déclaration des revenus d’épargne. »
La confirmation des inquiétudes des allocataires du RSA, une information qui a peu circulé ces dernières semaines, suscite quelques remous dans les CAF.
« Oui les revenus de l’épargne quelle que soit la forme de cette épargne sont pris en compte au même titre que les autres revenus perçus par le foyer (salaires, pensions, retraites, etc.) », avoue le Haut commissariat. Cette disposition, qui ne figure pas sur le formulaire de demande RSA, et qui est inscrite dans la rubrique 041 (autres revenus) des déclarations trimestrielles, concerne tous les livrets, y compris le livret A, et donc la petite épargne utilisée par les personnes les plus précaires qui ne peuvent avoir accès au système bancaire classique.
Cette taxation des ressources des allocataires au RSA est très perverse : par exemple, elle consiste à déduire du RSA 3 % du montant de l’indemnité de licenciement que vient de percevoir une personne au chômage. Et si cette somme a été déposée, par exemple sur un livret A, 4 % seront déduit du RSA.
Explication : une personne au chômage éligible au RSA vient de percevoir une indemnité de licenciement s’élevant à 10 000 euros. La caisse d’allocations familiales déduira du RSA 3 % des 10 000 euros, soit 300 euros, soit 25 euros mensuels. Ôtez ces 25 euros sur les 447 euros (maximum) que peut percevoir une personne seule sans emploi alors que le seuil de pauvreté est évalué à 817 euros, et vous avez une (petite) idée de la situation de grande pauvreté qu’est en train de provoquer cette discrète taxation des revenus des pauvres qui sert finalement à financer… le RSA.
K., qui vit dans un village de l’Ariège, salariée saisonnière avec contrat de son employeur, seule avec ses trois enfants, a perdu son boulot et n’en revient pas : « Je viens de toucher une prime de licenciement, je suis éligible au RSA, mais sur la prime de 1 000 euros on va m’enlever 3 % pour payer mon RSA ! ». Elle me parle de son voisin âgé de 42 ans, « séropositif depuis 23 ans, vivotant de petits boulots » : « Il n’a pas droit au crédit et il a des enfants. Il a mis de l’argent de côté, mais le cash est sur son livret A et il a un livret d’épargne populaire (LEP) avec 42 000 euros dessus. Il n’a plus droit au RSA, car le RSA vient compléter son revenu d’environ 800 euros, mais la somme dérisoire disparaît avec la taxe, ce qui n’était pas le cas avec le RMI .»
Tous les comptes sont concernés : livret A, le LEP, le livret enfant, le compte courant, l’assurance vie, le PEL, etc., explique K. qui obtenu ses informations de la CAF, le service des impôts et sa banque ignorant l’existence de ce dispositif. « La CAF a accès aux informations bancaires via les impôts sans qu’il y ait besoin d’enquête. Le fait d’être au RSA est suffisant, » précise aussi K. Autre phénomène en cours : « Les gens commencent à retirer en masse leurs économies pour les mettre dans les matelas et cela commence à se savoir .» La déclaration trimestrielle contient en effet cette mention : « Attention, vos déclarations seront systématiquement vérifiées l’année suivante auprès du service des impôts ».
Résumons : « pour les malades HIV, cancer et autre qui ne peuvent avoir de crédit, qui ont économisé pour payer cash les études des gamins ou le logement se retrouvent éligible au RSA mais ne touchent plus rien car le 3 % déduit du montant du RSA » le réduit à… peau de chagrin.
Pour toucher le RSA, les allocataires ont aussi une autre charge à supporter, qui a fait l’objet d’une polémique récente et a été médiatisée parce qu’un élu de l’UMP s’en était étonné. Elle concerne les Rmistes inscrits au RSA. Un certain nombre d’entre eux ont réussi à trouver un petit boulot complété par le RSA. Surprise, ils sont « imposés au titre de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle », a reconnu le Haut commissariat.
« Le gain lié au RSA reste toujours supérieur au montant de la taxe d’habitation et à la redevance audiovisuelle payées , » assure le Haut Commissariat de Martin Hirsch. C’est sans compter sur le bel édificice de taxation qui concerne la totalité des ressources et, surtout, c’est faire peu de cas de la situation vécue par ces personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Politis