Le milieu de la haute finance encouragerait-il les tendances psychopathes ? C’est ce que soutient Robert Hare, auteur de Snakes in Suits et professeur à l’Université de Colombie-Britannique. Le professeur établit un lien entre le climat de compétitivité qui règne au sein de l’industrie des services financiers et certains traits de caractère communs aux hauts dirigeants de ces entreprises.
Parmi les caractéristiques psychologiques de ces hauts dirigeants, on retrouve le narcissisme, l’impulsivité, le manque d’empathie, le charisme et l’amour du contrôle et du pouvoir. Ajoutez à cela le manque d’éthique, et vous pourriez très bien faire face à un authentique psychopathe.
“Les psychopathes sont des gens qui bougent beaucoup, des nomades, et tout le monde en a rencontré au moins un dans sa vie, explique Robert Hare. Ils recherchent des positions prestigieuses où ils ont du pouvoir et du contrôle. Ils sont sur-représentés dans le crime organisé, la finance ou les forces armées.”
Robert Hare va plus loin et fait le lien entre les problèmes actuels du secteur financier, où les dirigeants d’entreprise n’ont pas hésité à prendre des risques élevés pour générer du profit à court terme, et ces mêmes traits de caractère si particuliers aux psychopathes.
“Les problèmes de marché que nous connaissons en ce moment ne sont pas seulement le résultat de la malchance et de la conjoncture économique. Le milieu de la finance encourage des comportements excessifs de la part de ses hauts dirigeants,” souligne-t-il.
Leur présence dans une organisation peut se révéler un grand avantage comme un énorme inconvénient, puisque l’individu qui a des tendances psychopathes agira toujours dans le but d’obtenir ce qu’il veut. Tel un automate, les émotions n’ont pas de place dans son processus de prise de décision.
“Les psychopathes connaissent la différence entre le bien et le mal, ce qu’ils peuvent et ce qu’ils ne peuvent pas faire. Mais il n’y a pas de connotation émotive (fierté ou culpabilité) liée à l’une ou à l’autre de ces notions, précise l’auteur. Ils peuvent choisir de faire la bonne chose, mais seulement s’il en va de leur intérêt.”
Pour les détecter, il faut interroger l’ensemble des gens qui travaillent dans le même milieu qu’eux puisque leur charisme leur sert souvent d’écran auprès de leurs supérieurs ou de leur entourage. De plus, ces individus s’assureront souvent d’avoir un certain contrôle sur les mécanismes de dénonciation en place dans leur environnement afin de réduire les risques, même s’ils ne craignent pas vraiment les conséquences de leurs actes.
“Le responsable du courrier a sûrement beaucoup de choses à dire, mais personne ne lui de-mande jamais ce qu’il sait, soutient Robert Hare. On doit faire un examen complet de la personne.”
Il faut toutefois agir avec la plus grande prudence lorsqu’on décide de sévir et d’écarter ce genre d’individu. En effet, ils prendront toutes les précautions possibles afin d’assurer leurs arrières, notamment en gardant beaucoup d’information sur l’entreprise ou sur les gens qui travaillent avec eux, afin de faire du chantage au moment opportun. Des poursuites pourraient également être engagées dans un but de vengeance contre l’employeur.
“Le milieu bancaire est le meilleur exemple. On y donnera à ce genre d’employé une très belle prime de départ, en lui écrivant de très belles lettres de recommandation afin qu’il aille travailler chez un concurrent. N’importe où, sauf chez moi,” conclut Robert Hare.
Snakes in Suits: When Psychopaths go to Work. Par Robert D.Hare et Paul Babiak, Harper Collins, New York 2006