Le grand dépensier veut que la fête continue. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, pensait avoir trouvé une idée géniale dans la suggestion de son conseiller Henri Guaino, d’un grand emprunt destiné à financer “les dépenses de l’avenir”. Qu’importe si la ficelle était un peu grosse, le but, éminemment politique, était de rassurer l’électeur en lui montrant que toutes les dépenses publiques ne sont pas stupides. Mais à mesure qu’émergent les détails dudit emprunt, il faut bien se rendre à l’évidence : il ne s’agit pas d’autre chose que d’une nouvelle augmentation des dépenses, et donc de la dette.
Trente-cinq milliards d’euros : c’est le montant finalement retenu après que chacun y soit allé de son chiffre. Pour donner de la perspective, rappelons que c’est à peine supérieur aux trente milliards d’investissements que le groupe automobile allemand Volkswagen vient d’annoncer pour les trois ans qui viennent.
Mais les fonds en question – les grandes dépenses mises en regard de ce grand emprunt – ne sont pas de nature à créer un monde meilleur.
Une petite moitié serait consacrée à une nouvelle tentative de réparer l’université française, édifice en ruines. Le reste serait saupoudré sur quelques priorités nationales comme l’Internet à haut débit ou le nucléaire “de demain” (alors même que le nucléaire d’aujourd’hui, à en juger par certaines informations, aurait aussi besoin qu’on s’occupe de lui).
Mais on veut espérer que ce sont là des dépenses qu’un gouvernement à peu près soucieux du bien public aurait engagées de toute façon. Que reste-t-il en fait du grand emprunt ? Des dépenses supplémentaires.
Au moins le ministère des finances, embarrassé par la dernière lubie présidentielle, a pu éviter le pire : un emprunt lancé auprès des particuliers comme la France aimait le faire au siècle dernier. Comme il est à parier que le seul patriotisme aurait été insuffisant pour attirer le chaland, il aurait fallu l’appâter par des avantages fiscaux, ou un taux d’intérêt supérieur à ceux du marché, ce qui aurait ajouté du déficit au déficit.
L’opération va donc simplement s’ajouter aux 250 milliards d’euros que la France devra emprunter tous les ans à partir de 2010 pour financer son train de vie. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), son déficit budgétaire devrait approcher des 9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2010, avec une dette publique représentant 90 % du PIB.
On promet certes des coupes dans les dépenses courantes, qui compenseraient le surcoût de l’emprunt Guaino-Sarkozy. En attendant, la France attend toujours, et risque d’attendre longtemps, un programme crédible de retour à une certaine discipline budgétaire. L’expérience montre que les dépenses sont réelles, et les économies virtuelles. L’avenir qu’il prétend préparer risque de juger sévèrement l’insouciance financière de M. Sarkozy.