Et si la crise de 2008-20?? n’était pas une crise économique mais une crise de la pensée, une crise des illusions ? Le mode de vie des Occidentaux – et plus particulièrement des Américains –, leur manière de penser, et donc de consommer, sont liés à une illusion : l’idée que demain sera meilleur.
Qu’ont fait les autorités américaines face à la crise? Elles n’ont évidemment pas avoué que le rêve américain était brisé, que demain ne serait pas meilleur qu’hier. Dans une démocratie, cela ne passe pas très bien de dire qu’il va falloir se serrer la ceinture et surtout que l’espoir ne luit pas au bout du chemin (de douleur).
Les autorités ont donc, en toute impunité, maquillé le rêve décrépi pour le faire ressembler à une fringante miss. Pour cela, rien de mieux qu’un petit tripatouillage des chiffres comme l’explique Simone Wapler:
“Les revenus des employés américains, corrigés de l’inflation officielle, stagnent depuis 1980 à 275 $ par semaine, selon le très officiel Bureau of Labor Statistics. Déprimant, mais si on les corrige selon le calcul d’indice des prix non trafiqué (sans le fameux effet qualité), le résultat devient pathétique : on passe de 275 $ à moins de 100 $.”
Le niveau de vie des Américains plonge donc depuis les années 1980, mais ils continuent à vouloir vivre leur rêve en technicolor, à avoir une jolie maison, plusieurs écrans de télévision ainsi qu’un SUV flambant neuf. Les autorités les poussent à s’acheter leur rêve à crédit. Après tout, qu’importe la manière dont on s’offre le flacon, pourvu qu’il y ait l’ivresse.
Voilà comment, les autorités américaines ont encouragé la bulle du crédit, et voilà pourquoi la Fed continue à inonder la planète de dollars et le gouvernement américain d’aides en tout genre. Ils ne veulent pas reconnaître que le rêve est brisé et que continuer à vouloir se l’offrir à n’importe quel prix ne pourra qu’entraîner la faillite de notre système économique.
Pourquoi les Américains pensent-ils que “demain sera meilleur,” plus que nous autres, habitants du Vieux Continent ? Peut-être parce que la mythologie des origines des États-Unis fait la part belle à la notion de nouveau monde, de nouvelle chance, de nouvelle vie. Les États-Unis ont été en grande partie peuplés par des émigrants qui fuyaient l’Europe et ses persécutions pour fonder un monde meilleur. Les grands espaces, les grands projets, cela donne des ailes…
Ajouter à cela, le mythe du self made man, ce immigrant pauvre qui trime sur les docks à transporter sur son dos des caisses de harengs saurs pour nourrir sa famille et lui offrir un avenir meilleur, et vous obtenez une identité nationale– puisque le terme est à la mode en ce moment – digne de ce nom.
L’idéologie de l’avenir n’est pas nouvelle, ni réservée à nos amis d’outre-Atlantique, mais ils l’ont poussée à son paroxysme. Le mythe, c’est bien beau, mais cela a besoin d’être nourri par le réel. La croissance hégémonique des États-Unis a pendant longtemps été nourrie d’un accroissement réel de ses forces de productions, de sa richesse.
Puis la machine s’est cassée, quelque part au milieu des années 1980. Pourquoi ? Peut-être tout simplement parce que c’est le destin des mécaniques de s’enrayer à un moment ou à un autre.