Laurent Pinsolle se demande si les récentes déclarations de notre ministre de l’agriculture, en réaction, à la chute des revenus agricoles, ne marquent pas un tournant dans la politique française en la matière.
« Nous, en Europe, nous sommes les champions d’un libre échange sans règles, sans contrôles, qui, à mon sens, est allé trop loin et doit être revisité ».
Cette critique de l’Europe ne vient pas de Nicolas Dupont-Aignan, mais bien de Bruno Le Maire. Simple posture ou vraie remise en question ?
Il faut dire que la crise de l’agriculture est aujourd’hui particulièrement sévère.
Le revenu des agriculteurs a ainsi baissé de 34% cette année, le ramenant à un niveau inférieur au début des années 1990 !
Et comme, parallèlement, le prix des produits agro-alimentaires n’évolue pas dans le même sens, il est parfaitement légitime que le ministre de l’agriculture affirme « qu’il faut une meilleure répartition de la valeur ajoutée, ce n’est pas normale qu’en période de crise, les seuls à trinquer, ce soient les producteurs ».
Cette nouvelle déclaration semble donc indiquer que la France veut sérieusement remettre en cause les réformes de la PAC, comme l’annonçait la réunion de 22 ministres de l’agriculture à Paris il y a quelques jours.
Bruno Le Maire semble de plus en plus sérieux dans sa volonté de revenir sur la libéralisation excessive des marchés agricoles en Europe, au contraire de son prédécesseur, le très complaisant Michel Barnier, qui semblait avoir oublié qu’il ne travaillait plus à la Commission Européenne.
La réunion qui s’est tenue à Paris semble donc être le signe d’une véritable volonté de retour à une Politique Agricole Commune moins libérale et qui prendrait des libertés avec « la concurrence libre et non faussée », le Graal de la Commission. Car ce que nous annonce le ministre de l’agriculture est assez clair. Il prône un retour à la préférence communautaire et une relocalisation de la production, soulignant l’absurdité d’importer des pommes du Chili quand nous en produisons localement.
D’une part, on peut se réjouir qu’un ministre UMP rejoigne les positions de ceux qui dénoncent les ravages du tout-marché depuis près de 20 ans. Au moins, cela contribuera à populariser nos idées.
En revanche, on peut toujours rester interrogatif sur la volonté réelle du gouvernement de changer les choses. Nicolas Sarkozy a trop souvent dit tout et son contraire. Là, il semble que la détresse du monde paysan permette une prise de conscience des politiques, mais le doute reste permis.
Il faut espérer que les déclarations du ministre soient plus qu’une posture. A priori, cela semble le cas. Heureusement, car il y a urgence à agir pour sauver le monde agricole. Mais, il faudra passer sur le corps de vingt-cinq années de libéralisation sous l’égide de l’Europe.