A compter du 1er janvier 2010, la Chine et les pays de l’Asean auront supprimé les droits de douane sur 7.000 groupes de marchandises et services, couvrant 90 % de leurs échanges. En Asie du Sud-Est, des industriels redoutent de disparaître sous l’afflux de produits bon marché chinois.
La vie de millions d’entreprises d’Asie va se retrouver bouleversée ce soir, à minuit [31 décembre 2009], lors de l’entrée en vigueur officielle dans la région de la plus vaste zone de libre-échange du monde, [peupl]ée par près de 1,9 milliard d’habitants.
Après avoir négocié un accord commercial pendant plus de huit ans et progressivement testé des baisses de droits de douane sur plusieurs de leurs marchandises, la Chine et six pays de l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) – la Thaïlande, l’Indonésie, Brunei, les Philippines, Singapour et la Malaisie – se sont engagés à supprimer, à compter du 1er janvier 2010, la quasi-totalité des droits de douane appliqués sur quelque 7.000 groupes de produits et de services, totalisant près de 90 % de leurs échanges.
Egalement signataires de l’accord avec la Chine, le Cambodge, le Laos, la Birmanie et le Vietnam, intégrés plus tard à l’Asean, bénéficient, eux, jusqu’en 2015 d’une clause transitoire destinée à leur permettre de ramener à zéro les droits de douane qu’ils prélèvent actuellement sur les produits chinois. « Malgré la crise financière, le commerce bilatéral va pouvoir après 2010 connaître une croissance rapide », triomphait hier dans les médias chinois Zhang Kening, l’un des cadres du ministère du Commerce ayant travaillé sur l’accord.
Pékin, qui a activement milité pour la mise en place de cette nouvelle zone, estime que l’ensemble des échanges dans la région devrait atteindre 200 milliards de dollars l’an prochain, ce qui représenterait presque un doublement par rapport aux 113 milliards de dollars recensés en 2005.
La Chine compte notamment profiter de la suppression des droits de douane pour augmenter ses importations de matières premières (minerais, gaz naturel, caoutchouc…), dont elle a tant besoin pour alimenter sa croissance et pourrait également accroître régionalement ses exportations de biens manufacturés, actuellement taxés à hauteur de 5 % en Asie, pour compenser la baisse de la demande de produits « made in China » constatée, depuis fin 2007, en Occident.
Si la baisse généralisée des tarifs douaniers représente une opportunité pour de nombreux entrepreneurs d’Asie du Sud-Est, comme notamment les agriculteurs thaïlandais produisant le riz au jasmin et les fruits exotiques très prisés par 1,3 milliard de consommateurs chinois, elle ne fait pas l’unanimité dans toute la région.
Ces dernières semaines, les industriels de plusieurs pays ont mis en garde leurs gouvernements contre l’arrivée massive, sur leurs marchés nationaux, de marchandises chinoises bon marché, profitant d’un yuan faible et de beaucoup de subventions gouvernementales déguisées.
En Indonésie, les opposants à l’accord ont récemment accéléré leur campagne publique contre l’accord de libre-échange, et 14 associations d’industriels, en partenariat avec le Parlement, ont officiellement demandé au gouvernement de suspendre provisoirement son application afin de laisser aux entreprises locales le temps de s’adapter. « Si le gouvernement met en place l’accord maintenant, beaucoup d’industries vont mourir », résumait mardi Airlangga Hartarto, un député.
Sous la pression, Jakarta aurait accepté de renégocier un calendrier d’application de la baisse des droits de douane sur 228 catégories de produits, et notamment sur les textiles, les chaussures et l’acier en provenance de Chine. Hier, Pékin affirmait que le secrétariat de l’Asean n’avait été saisi d’aucun recours de dernière minute et que l’accord devrait s’appliquer comme prévu.
—————-
Un accord touchant 1,9 milliard de personnes
La nouvelle zone de libre-échange Chine-Asean couvrira 13 millions de kilomètres carrés, et comptera 1,9 milliard d’individus (1,3 milliard en Chine et 580 millions en Asie du Sud-Est), ce qui en fait la plus vaste du monde.
En volume d’échanges, elle reste toutefois encore inférieure à ceux mesurés au sein de l’Union européenne – qui est une union douanière – et au sein de la zone couverte par l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena).
A compter du 1er janvier 2010, 90 % des produits échangés au sein de la zone verront leurs droits de douane supprimés.
Initié en 2002, ce projet a déjà permis la suppression, à partir de 2005, de droits de douane sur plusieurs centaines de produits.
Les 10 % de produits non concernés par l’accord verront leurs droits de douane réduits progressivement dans le futur.
Les Echos