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Travail trop intense, ordres contradictoires, doutes sur le management : les salariés de Pôle emploi sont stressés et l’ont exprimé dans le cadre d’une enquête interne remise au directeur général, Christian Charpy, lundi 4 janvier. Mardi matin, ce dernier a présenté aux organisations syndicales cette étude qui révèle un phénomène d’une “ampleur inattendue,” et a annoncé qu’il ouvrirait rapidement des négociations sur ce dossier.

Durant le seul mois de décembre, cinq tentatives de suicide ont eu lieu sur le lieu de travail, trois en Ile-de-France et deux en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elles font suite à un premier suicide à Saint-Quentin (Aisne) en mars.

Menée par le cabinet Isast (Intervention sociale & alternatives en santé au travail), l’enquête s’appuie sur un questionnaire envoyé aux 47 853 salariés de Pôle emploi (effectifs au 31 octobre). Avec 25 000 réponses, il a reçu un taux de retour supérieur à 50 %.
Ces résultats reflètent des sentiments partagés par l’ensemble des personnels, qu’ils soient issus de l’ANPE ou des Assedic, les deux organismes qui ont fusionné, il y a un an, pour donner naissance à Pôle emploi.

Les retours témoignent d’une situation de travail difficile. Plus de 70 % des agents se plaignent que “la quantité de travail est excessive,” 61 % qu’ils “reçoivent des ordres contradictoires.” La quasi-totalité, soit 90 % d’entre eux indiquent qu’il faut travailler “vite,” “intensément,” que les “tâches sont souvent interrompues avant d’être achevées, nécessitant de les reprendre plus tard.
L’ampleur du malaise a surpris la direction. “Je pensais que les problèmes de locaux, d’informatique, de violence dans les rapports aux usagers seraient plus prégnants, indique Martine Arakilian, responsable du département diversité et conditions de vie au travail, mais c’est l’impact de nos mutations sur le travail des agents qui est plus important que prévu.
Ces changements sont liés à l’apprentissage de nouveaux métiers : indemnisation des chômeurs pour les salariés de l’ex-ANPE et accompagnement vers le retour vers l’emploi pour les ex-Assedic.
Le travail du cabinet Isast relève un paradoxe. Les agents “n’ont pas le sentiment de s’enrichir alors même qu’ils doivent apprendre à faire des choses nouvelles : si elle les mobilise intensément, la transformation de Pôle emploi leur apporte peu en retour.” Ainsi, quelque 98 % des personnels ont le sentiment “d’apprendre des choses nouvelles,” alors même que 81 % souffrent d’effectuer des tâches “répétitives.
Déséquilibre
Le stress des agents monte encore d’un cran quand ceux-ci sont en relation avec le public. D’autant que, suite à l’explosion du chômage en 2009, ce sont 600 000 demandeurs d’emploi supplémentaires qui ont poussé les portes des agences.
L’exacerbation de ce déséquilibre entre les efforts demandés et les retours est d’ailleurs inversement proportionnelle à la proximité avec le public. Les employés qui assurent le suivi des chômeurs sont plus de sept sur dix à ressentir fortement cette contradiction. Les employés qui ne reçoivent pas de public sont un sur deux à verbaliser cette souffrance. Taux qui tombe à quatre sur dix chez les cadres dans la même situation.
Pourtant le malaise ne se résout pas à cette relation aux chômeurs. Si l’enquête fait ressortir que les rapports entre collègues peuvent être “amicaux,” et que les personnes interrogées estiment leurs collègues “compétents,” à 80 %, voire à 90 %, les affaires se gâtent lorsqu’il leur est demandé d’évaluer leur encadrement. Là, seul un sur deux estime que l’aide apportée par son supérieur ou que la capacité du chef “à faire collaborer ses subordonnés” est effective. Les employés jugent globalement leur hiérarchie trop peu disponible.
Pour Mme Arakilian, “il existe une difficulté sur le management,” attentif à ce qui se passe mais vécu comme peu compétent dans les tâches professionnelles. Les nouveaux directeurs d’agence, issus de l’ANPE ou des Assedic, doivent se former à leurs nouvelles fonctions. M. Charpy devrait les réunir prochainement dans le cadre de réunions régionales. Avec une consigne, résumée par Mme Arakilian : “Ne zappez pas les réunions d’équipe, les temps de parole, soyez attentifs et pensez toujours aux risques psychosociaux.
Alors que s’ouvre la négociation sur la prise en compte des risques psychosociaux, une batterie d’indicateurs fera l’objet d’une présentation au comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui doit se tenir vendredi.
Absentéisme, nombre de jours de formation, de jours de grève, arrêts maladie, tentatives de suicide… une vingtaine de paramètres devraient à l’avenir permettre de prendre le pouls des quelque 1 500 agences et des 48 000 salariés.
Le Monde

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