La révolte des citoyens islandais pourrait bien coûter plus cher à leur pays que l’indemnisation pure et simple des clients étrangers floués par la faillite des banques locales emportées par le tsunami financier de 2008. En décidant, mardi, de soumettre la loi organisant le remboursement par le budget de l’État des 3,8 milliards d’euros perdus par les quelque 320.000 clients britanniques et néerlandais de la banque Icesave à un référendum, le président islandais, Olafur Ragnar Grimsson, a déclenché les foudres de la communauté internationale.
« Le peuple islandais, s’il devait arriver à cette conclusion (négative) dirait en réalité que l’Islande ne veut pas faire partie du système financier international, que l’Islande ne veut pas avoir accès au financement multinational, national et bilatéral et ne veut pas être considéré comme un pays sûr, avec lequel faire des affaires » a crûment résumé Paul Myners, le secrétaire d’État britannique aux finances.
C’est aussi toute la stratégie de sortie de crise mise en œuvre par la première ministre sociale-démocrate Johanna Sigurdardottir qui est menacée : le gouvernement, inquiet, a fait savoir, mardi soir, que l’Islande reste « pleinement engagée » à respecter ses engagements. Mais il faudra d’abord gagner le référendum…
La loi d’indemnisation, votée à une très courte majorité dans la nuit du 30 au 31 décembre après plusieurs semaines de débats, a indigné une bonne partie de la population qui n’a guère l’intention de payer pour les erreurs de ses banques. En effet, cette indemnisation, qui s’étendra au moins jusqu’en 2024, représente 40 % du PIB actuel d’une île qui est toujours au bord de la banqueroute.
Dès le vote de la loi, 60.000 Islandais, soit le quart de l’électorat, ont signé une pétition pour que le président la soumette à référendum, ce qu’il a accepté. Cette consultation, qui devrait avoir lieu d’ici à la fin du mois de février, s’annonce difficile pour l’avenir de ce texte : selon un sondage publié hier par l’institut MMR, 58 % des personnes interrogées le rejetterait.
Le problème est que cette affaire dépasse largement la seule Islande ou ses relations bilatérales avec la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas. C’est en effet la qualité même de la signature islandaise qui est en jeu : si la loi est rejetée, la communauté internationale risque de mettre longtemps à refaire confiance à l’île. Ainsi, les agences de notation Standard&Poor’s et Fitch ont immédiatement dégradé la note de sa dette à long terme (la première l’a placé sous « surveillance négative », la seconde l’a fait passer de BBB- à BB+), ce qui a pour effet d’augmenter la prime de risque exigée par les marchés financiers et donc le coût de l’endettement. « La décision du président islandais (…) crée une nouvelle vague d’incertitudes politiques, économiques et financières. Elle représente aussi un revers significatif pour les efforts de l’Islande de restaurer des relations financières normales avec le reste du monde, » a expliqué Fitch.
Les États ne se montreront pas plus indulgents que les marchés. Car l’île n’a été sauvée que grâce à l’aide internationale et la perspective de sa future adhésion à l’Union européenne, Reykjavik ayant déposé sa demande le 19 juillet dernier, au lendemain du changement de majorité. Dès l’annonce du référendum, le FMI a ainsi annoncé qu’il allait consulter ses États membres pour savoir si la troisième et dernière tranche de l’aide de 1,5 milliard d’euros devait être débloquée. Les pays nordiques (Danemark, Suède, Finlande et Suède) qui ont accepté, en juillet dernier, de prêter 1,78 milliard d’euros à Reykjavik, envisagent eux aussi de retarder les premiers versements, ceux-ci étant conditionnés aux progrès économiques du pays…
Enfin, la Commission, qui examine actuellement la demande de candidature islandaise, estime que ce référendum pourrait avoir un effet négatif, un refus d’honorer les dettes de ses banques pouvant être considéré comme une incapacité à respecter ses engagements financiers et économiques. Surtout, Londres et La Haye pourraient bloquer, lors du Conseil européen de mars prochain, la candidature islandaise : « la Grèce n’a pas hésité à le faire pour la Macédoine, on ne voit pas pourquoi ces deux pays se gêneraient…, » analyse un fonctionnaire européen. D’autant que tous les sondages montrent que les Islandais voteraient « non » au futur référendum d’adhésion, ce qui devrait encourager les Européens à se montrer inflexibles.
Bref, d’une façon ou d’une autre, les Islandais payeront pour les bêtises de leurs banques…
Libération